Archives quotidiennes : 09/01/2011 à 17H33

A toi, le carnivore borné…   

(J’avais écrit ce qui suit fin octobre, à l’adresse de quelqu’un qui ne le lira jamais. Si vous le lisez, ça ne vous est donc a priori pas destiné. J’avais hésité à exprimer toute cette véhémence, mais je trouve finalement … Continuer la lecture

(J’avais écrit ce qui suit fin octobre, à l’adresse de quelqu’un qui ne le lira jamais. Si vous le lisez, ça ne vous est donc a priori pas destiné. J’avais hésité à exprimer toute cette véhémence, mais je trouve finalement que ça serait dommage de l’avoir écrit pour rien.)

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… quand tu poses la question « Mais pourquoi es-tu végétarien ?… J’essaie juste de comprendre. » à un végétarien, sache qu’il est parfaitement conscient que tu connais déjà la réponse à cette question, que ce n’est pas la vraie question que tu lui poses, et que ça n’est d’ailleurs même pas une question, surtout si tu pars ensuite dans une démonstration poussive pour tenter de le convaincre qu’il a tort de l’être avec des moitiés d’arguments à chacun desquels il a une réponse que tu n’entendras même pas.

La réponse à la question est évidemment :
- « Je refuse de tuer pour me nourrir. » . Tu connais déjà cette réponse. Tout le monde connait cette réponse et tout le monde sait que tu connais cette réponse. Tu sais que cette réponse est valable, et tu es parfaitement capable de la comprendre, parce que : Tu as peur de la mort, comme tout être vivant sensible, et tu es capable d’empathie, donc tu sais que « Tuer quelqu’un, c’est mal. » , et tu sais probablement aussi que « Tuer un animal sans raison, c’est mal. » . Tu ne tuerais probablement pas un bébé humain pour une raison banale/pour rire/par curiosité/pour goûter même si tu avais l’assurance de ne jamais être puni, et tu ne tuerais même probablement pas un chaton de gaieté de cœur. (D’ailleurs, as-tu déjà tué un chaton pour goûter ?) Un chaton, ou tout autre animal qui t’inspire de l’empathie. D’une manière ou d’une autre, tu comprends.
Donc tu connais déjà la réponse et tu la comprends : Tu n’as simplement aucune raison honnête de poser la question.

Quelques réponses subsidiaires (qui, probablement, sont rarement la motivation originelle de ce choix) peuvent être aussi :
- « Le système actuel réifie les animaux, de sorte qu’ils ne sont plus qu’objets pour lesquels la torture et le massacre sans remords sont devenus perpétuels et anodins, à qui la mort est donnée, même en bas âge, sans aucun respect ni pour son espérance de vie naturelle, ni pour la créature vivante, ni pour sa dépouille, et je refuse de participer à un tel système. »
- « L’élevage sur-développé a des conséquences écologiques nombreuses et bien plus graves que les cultures : effet de serre, appauvrissement des sols, gaspillage de nourriture, pollution, etc. »
- « C’est bon pour la santé. »

(J’avoue que le dernier argument ne m’intéresse pas. On doit pouvoir trouver autant d’arguments pour un régime que pour l’autre en ce qui concerne la santé. On trouve, en tout cas, autant d’études et autant d’exemples en faveur de l’un ou de l’autre… Ce n’est pas le fait de manger de la viande ou pas qui va réduire l’espérance de vie ou provoquer des maladies. C’est un petit peu plus compliqué que ça…)

En vérité, si tu poses la question dont tu connais la réponse, carnivore borné, c’est dans un seul but : Passer à la phase deux qui consiste à défendre ton point de vue, dont le végétarien n’a que faire, puisque ton point de vue et tes arguments, il les connait parfaitement, il vit dans la même société carnivore (omnivore) que toi, il les a entendus des milliers de fois depuis la ou les dizaine(s) d’années qu’il pratique le végétarisme (en parfaite santé), et il est même fort probable qu’il ait passé plusieurs des premières années de sa vie à pratiquer le carnivorisme à cause de cette société carnivore et ses arguments rabâchés.
Alors pourquoi ?… Pourquoi est-ce que tu essaies de le convaincre ? Qu’est-ce qui te gêne tant que ça en lui ? S’il se tait, s’il n’a jamais abordé le sujet, s’il ne te dit pas quel comportement culinaire avoir, s’il ne t’a jamais fait la moindre remarque sur ton carnivorisme, qu’est-ce qui t’embête tant que ça chez lui ? Son existence même est-elle un affront à tes propres choix de vie ?

C’est quoi, le problème ? La peur de la différence ? Le reflet de ta culpabilité ?

Sache, carnivore borné, que le végétarisme est un choix moral, que la morale est une vaste chose qui ne se définit pas avec une équation binaire, et qu’elle est un des fondements de ce qui fait une personne. La morale englobe beaucoup beaucoup beaucoup de règles qui varient selon les personnes. Le végétarien n’est pas une personne à la morale parfaite, mais le végétarisme fait partie de sa morale, et tu n’y changeras rien. Et le fait que sa morale ne soit pas parfaite n’entache en rien son code moral. Le « végétarien » qui « ne mange pas de viande sauf le poisson » /« ne mange pas de viande rouge » /« mange un peu de viande mais pas trop » se donne un code moral qui tend à réduire autant que possible les morts et les souffrances qu’il cause aux êtres sensibles (dotés d’un système nerveux complexe = animaux), et ça se respecte autant que n’importe quel autre choix moral. Le code moral absolu et parfaitement bon, qui consisterait à ne jamais faire de mal physique ou moral à une quelconque créature vivante et à tout sacrifier de soi pour les autres, n’existe pas. (Un tel code engendrerait probablement la mort immédiate de celui qui l’adopterait.)

Mais toi, « Pourquoi n’es-tu pas végétarien ? » . Le végétarien aussi, il connait la réponse, mais lui, il ne te posera jamais la question. Tu n’es pas végétarien parce que tuer/maltraiter des animaux que tu ne vois (généralement) pas mourir de tes propres yeux, pour en manger, tu t’en fous et/ou tu as la flemme de te priver de ce plaisir. Ça ne fait pas partie de ton code moral. (Oh, le végétarien n’osera quand même pas te faire l’affront d’imaginer que tu n’y as juste jamais réfléchi et que tu te contentes de faire comme tout le monde et comme on t’a enseigné, non, le végétarien a trop de respect pour toi, il suppose quand même que tu as un sens critique et un libre arbitre.)

Mais n’aie pas peur, le végétarien s’en fout, au fond. Si le seul défaut des humains consistait à être carnivore, le monde serait déjà incroyablement meilleur, alors tu sais, tu peux bien continuer à l’être si ça peut te faire plaisir, pour ce que ça change.

Mais, s’il-te-plait, arrête de le faire chier.

(Note : Dans l’intitulé, le terme « borné » est essentiel. Tous les carnivores ne sont pas bornés. Tous les gens bornés ne sont pas carnivores.)

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J’ajoute, en bonus, parce qu’on m’a encore récemment, à l’occasion des « fêtes », un peu énervé, avec un faux argument puéril (Et c’était d’autant plus énervant que ça venait de quelqu’un qui m’avait fourni des arguments contraires, en ma faveur, sans que je lui demande rien, il y a quelques années. Ca m’a donc profondément déçu de sa part.) :

L’homme, s’il est doté de la capacité d’être carnivore, s’il le fut même (à bien moindre échelle qu’aujourd’hui) dans un cadre « naturel », avant d’inventer l’élevage, et si à ce titre, en tant qu’animal carnivore appartenant à l’écosystème il revendique ce droit naturel à manger d’autres animaux… l’homme, donc, n’est PLUS un simple animal. L’homme s’est doté d’une conscience, d’une conscience des autres et des créatures vivantes, il a développé son empathie, a créé une éthique, il a inventé le bien et le mal, qui n’ont que peu de rapport avec l’ordre naturel (sinon, initialement, avec l’instinct grégaire des animaux sociaux). Et il a pris le contrôle de nombreuses lois naturelles a son profit (ou plutôt, a essayé d’en prendre le contrôle, même si aujourd’hui, certaines semblent bien lui échapper.). L’homme ne fait plus partie de l’écosystème, n’est plus partie intégrante et nécessaire d’un système naturellement équilibré. Il a au contraire modifié, asservi et déréglé l’écosystème pour son propre intérêt (A détruit nombre d’espèces, en a créé d’autres qui seraient incapables de survivre à l’état naturel.). Et le carnivorisme ne lui est plus nécessaire (tout comme bon nombre d’autres choses d’ordre naturel dont il s’est déjà émancipé sans que ça lui pose autant de soucis… L’élevage n’ayant, au passage, rien de naturel.), s’il l’a jamais été. Il peut parfaitement vivre sans, et la nature ne s’en portera pas plus mal. Prétendre le contraire est juste un argument hypocrite posé dans le seul but de défendre le statu quo et son propre confort (comme l’ont toujours fait les forts pour asseoir leur pouvoir sur les faibles, au sein même de l’espèce humaine; l’Histoire ne manque pas d’exemples).
S’il se sent supérieur à (et même maître et propriétaire de) toutes les créatures vivantes, il ne pourra pourtant l’être que lorsqu’il aura acquis un nouveau niveau de conscience, plus universel.

Voilà, c’est une de mes régulières journées coup-de-gueule inutile. Ca a le mérite de m’occuper.

Publié dans Les personnes qui ne se mangent pas. | 5 commentaires