Archives quotidiennes : 18/03/2012 à 18H55

Bovines   

Il y a trois semaines, j’ai vu Bovines. J’ai bien aimé parce que je ne me suis pas ennuyé, et parce que j’aime le concept d’un film sans humain, sans scénario, sans commentaire humain et sans musique. Bref, un film … Continuer la lecture

Il y a trois semaines, j’ai vu Bovines. J’ai bien aimé parce que je ne me suis pas ennuyé, et parce que j’aime le concept d’un film sans humain, sans scénario, sans commentaire humain et sans musique. Bref, un film privé, de manière exceptionnelle et quasiment unique, de cet anthropocentrisme omniprésent. Un concept auquel je pense depuis des dizaines d’années, un truc qui m’a toujours choqué, de me dire que personne n’est capable de raconter une histoire dont les acteurs ne sont pas des humains (ou au mieux, des animaux dotés d’une pensée humaine). J’étais donc heureux de me dire que ça existait enfin. Et d’autant plus que ça portait sur un animal qui n’a rien d’excitant dans l’inconscient collectif. Bref, un animal sur lequel personne (ou presque) ne veut s’attarder, parce que ça l’arrange bien.

J’étais donc content de l’existence de ce film. J’étais content d’aller le voir. Et j’ai été content de le voir. Tout comme je suis content de voir des animaux quand je me promène, qu’ils vivent dans des champs ou pas. J’étais content que ce soit l’idée d’un urbain, non-végétarien*, et qu’elle lui soit venue sans vraie préméditation, sans trop savoir vers quoi ça le mènerait. Et j’étais content de me dire que des gens qui ne l’auraient pas fait autrement, allaient enfin passer un peu de temps à s’intéresser à ces animaux et à leur vie, la vraie. Qu’ils allaient essayer de voir un peu plus loin que le bout de leur nez. Ou plutôt, d’enfin détacher le regard de leur propre nombril. (Et puis content aussi d’assister à la naissance d’un veau, et la façon dont il apprend à marcher, ce qui ne m’était jamais arrivé jusqu’alors.) Bref, j’étais content.

Mais quand je vois la quantité de critiques pleines de paluchage sur l’onirisme, le surréalisme du film, le talent incroyable du réalisateur, sa manière si unique de « voir autrement la réalité » ou je ne sais quoi, les métaphores intrinsèques sur l’humanité, un prétendu « flirt avec l’anthropomorphisme » pour un film qui se contente de filmer des animaux sans rien y ajouter, et toutes ces incroyables interprétations pour un film dont l’oeil est fondamentalement neutre, qui toutes ressentent le besoin de tout raccrocher à la condition humaine… Je suis profondément triste.
On vous montre un animal, vous n’arrivez pas à y voir autre chose qu’un Homme.

Et ce sont les végés qui font de l’anthropomorphisme…

*Ce dont le film ne pouvait donc pas être accusé, le végétarisme étant une maladie mentale vicieuse, et le fait d’insinuer le doute et la culpabilité dans l’esprit du carnivore étant un acte de cruauté mentale passible de lapidation.

Note : Apparemment, il a quand même usé de quelques artifices. Ca me déçoit.

Publié dans Chaos, Les personnes qui ne se mangent pas. | Laisser un commentaire