Archives quotidiennes : 05/03/2015 à 19H34

Pourquoi le spécisme   

Si une seule espèce d’animaux non-humains acquiérait la capacité de se fédérer, d’établir des stratégies complexes ou d’utiliser la force physique pour menacer les intérêts des humains, alors les humain.e.s les écouteraient. Les humain.e.s cèderaient, iels déclareraient que les individus … Continuer la lecture

Si une seule espèce d’animaux non-humains acquiérait la capacité de se fédérer, d’établir des stratégies complexes ou d’utiliser la force physique pour menacer les intérêts des humains, alors les humain.e.s les écouteraient. Les humain.e.s cèderaient, iels déclareraient que les individus de cette espèce ont une individualité, une subjectivicité, le droit de vivre libres.
Iels le feraient parce que c’est de cette manière que tous les combats pour la libération des opprimé.e.s, humain.e.s parmi les humain.e.s, ont toujours été menés pour atteindre leur objectif. Lorsque les esclaves noir.e.s ont pris les armes. Lorsque les femmes sont descendues dans la rue pour réclamer leurs droits. Etc.
Et parce que c’est toujours lorsque le rapport de forces n’était pas suffisant pour menacer les oppresseurs, pas suffisant pour que les oppresseurs reconnaissent l’individualité, la subjectivité et le droit de vivre de leurs victimes, que les opprimé.e.s ont subi leur oppression durablement, et souvent même jusqu’à l’oppression totale, jusqu’à leur invisibilisation absolue : l’extermination physique.

Si une seule espèce d’animaux non-humains acquiérait cette force suffisante pour nous faire reculer de peur, pour se libérer de notre joug, tous les sophismes de défense du spécisme et du carnisme s’annuleraient d’eux-mêmes. « La nature », « La chaîne alimentaire », « Ils se tuent entre eux », « On l’a toujours fait », « Ils sont stupides », « Ils ne sentent rien », « Y a plus grave », etc. Tout se révèlerait immédiatement absurde, faux, honteux. Tout s’évaporerait. Toute l’hypocrisie, tout le déni, toute la mauvaise foi, tout le cynisme, toute la passivité, tout l’égocentrisme.

Et on se sentirait alors tellement vertueux de leur laisser la paix, de leur céder la liberté par pur altruisme, par éthique, grâce à notre Force Morale et notre Puissance Intellectuelle tellement uniques, qui nous auraient permis de leur reconnaître le droit de vivre libres. Enfin.

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Edit du 19/03/2015

Au passage, si ça n’apparait pas assez dans ce qui précède : Les animaux (autres qu’humains) luttent aussi pour se libérer de la domination humaine, tout autant que les groupes humains opprimés luttent contre leurs oppressions respectives.
Ils luttent en essayant de fuir quand on les enferme, quand on limite leur liberté, au point qu’on doive inventer des technologies qui les retiennent dans leurs enclos électrifiés, dans leurs cages en métal verrouillées, dans leurs entrepôts. Les mères luttent quand on les sépare de leurs petits, elles hurlent, elles tentent de les suivre. Elles les cachent des humains, parfois, si elles en ont l’occasion. Les animaux chassés fuient, se cachent. Les jeunes en élevage castrés, écornés, ébecqués luttent, tentent d’échapper à la poigne des humains, crient. Les animaux pêchés tentent de se dégager des mailles, se débattent à l’air libre. Les animaux poussés dans des bétaillères freinent des quatre pattes, gémissent, se laissent tomber. Les animaux conduits jusqu’aux chaînes d’abattage en font autant, cherchent avec les moyens dont ils disposent à échapper aux humains, jusqu’à la dernière seconde de leur vie.
Ils luttent parce que c’est évidemment ce que fait n’importe quel individu sensible, conscient face à la souffrance ou la mort qu’on lui impose.

La seule différence entre les luttes humaines qui parviennent à des résultats et les luttes des autres animaux pour leur vie et leur liberté, c’est la quantité de pouvoir dont chacun dispose, les outils physiques, intellectuels, stratégiques qu’ils ont pour s’opposer au pouvoir des dominants. Suffisants ou pas.
Et les groupes humains opprimés ne disposent pas systématiquement non plus d’une quantité de pouvoir suffisante pour faire reculer leur oppression (Même si l’intérêt des dominants est toujours de croire et de faire croire que ce rapport de forces n’est pas suffisant, ce qui a pour effet à la fois de démotiver les opprimés de mener eux-mêmes leur lutte et de pouvoir détourner leur lutte en faveur des dominants, il se trouve que dans certaines situations et circonstances précises, c’est factuellement et manifestement vrai.).
Avoir accès à plus ou mois de pouvoir pour lutter contre sa propre oppression ne rend pas la lutte plus ou moins légitime, ni l’oppression plus ou moins grave.

Publié dans Les personnes qui ne se mangent pas. | Laisser un commentaire