Verbiages

C’est emmerdant.

Aujourd’hui, j’ai reçu un livre commandé récemment, qui s’appelle « I am a strange loop. » de Douglas Hofstadter. Je l’ai commandé parce que je connaissais l’idée directrice, et je savais que ça m’énerverait, mais je ne voulais pas m’énerver avant d’avoir tout en main pour juger. L’idée directrice, c’est que la conscience est une chose qui s’observe elle-même, formant un cercle vicieux, une sorte d’effet Larsen. L’idée n’est pas mauvaise, puisque la conscience est effectivement quelque chose qui s’observe soi-même, donc quelque chose d’absurde, une « singularité », comme il dit. Sans être une réponse définitive à l’une des « grandes questions de l’univers », c’est au moins une idée amusante.
Sauf que ça vient d’un chercheur logisticien informaticien, et que donc, logiquement, ça lui suffit, c’est une réponse.
Donc, comme j’avais le livre entre les mains, que j’étais pressé, mais que ça m’énervait déjà, j’ai lu les dernières pages pour avoir directement la conclusion.
Sa conclusion : La conscience est une illusion engendrée par la matière. « Je » n’existe pas.
Du moins, si j’ai bien suivi. C’est en anglais, j’ai lu que les dernières pages, et pour être parfaitement en accord avec moi-même, il va falloir que je lise tout depuis le début, en comprenant tout… Et je sais d’avance à quel point ça va m’énerver. (J’en ai déjà le crâne qui « grésille », comme chaque fois dans ce genre de cas.)

Alors, je livre quand même ma réaction, forcément malhonnête puisque j’ai pas lu le bouquin, mais quand même, à chaud…

Déjà, aboutir à la conclusion que l’esprit est une illusion, créée par la matière, c’est wahou… Bon, personnellement, j’ai pas eu besoin d’écrire un bouquin pour arriver à cette conclusion avant d’avoir dix ans, c’est un peu une des premières hypothèses qu’on pose quand on réfléchit au sujet, mais on n’est pas non plus obligé de s’arrêter là… Mais lui, c’est un grand penseur qui a écrit un bouquin, et qui fabrique des ordinateurs, alors il a sûrement raison. Il parait que c’est une conclusion qu’on refuse, parce qu’elle est inadmissible, elle fait trop peur. Personnellement, j’accepte parfaitement l’idée de ne plus être un jour, et je ne vois pas en quoi c’est plus effrayant… (J’accepte même l’idée que ma raison et ma sensibilité soient purement déterministes, alors bon…)

De deux, comparer les ordinateurs à l’esprit humain, c’est un peu oublier que l’esprit humain a mis quatre milliards d’années pour se développer à partir d’un processus relativement lent et complexe, utilisant des milliards de composants (les êtres vivants), tandis que l’ordinateur a été créé en 50 ans par une espèce qui s’est contentée de copier tant bien que mal ce qu’elle observe de ce fameux cerveau. Ca n’est donc pas tout à fait le même processus de conception. Je ne suis pas sûr qu’on puisse arriver au même résultat.

De trois, même un ordinateur extrêmement complexe capable de créer, de discuter, de penser, de mener les mêmes réflexions que les miennes ou les mêmes réflexions que Douglas Hofstadter et même écrire un bouquin pour nous les faire partager ne me convaincra ou ne me démontrera jamais qu’il existe autant que moi. Douglas Hofstadter lui-même ne peut pas me démontrer qu’il existe autant que moi. Je suppose simplement, arbitrairement, que c’est le cas. (J’ai sans doute tort puisqu’il pense le contraire.). La différence principale entre le travail de mon cerveau et le travail d’un ordinateur est celle-ci : L’ordinateur calcule, traite des infos de manière tout à fait logique, et renvoie ses résultats, mais ne donne aucun SENS à ces informations. L’ordinateur est un ensemble de composants physiques, de micro interrupteurs, qui stockent ou déstockent de micro tensions, qui ajoutent ou retranchent des bits d’informations, qui, en augmentant la complexité, par des tas d’opérations booléennes, en arrive à faire des multiplications, des divisions, et qui, au final, renvoie des informations, sous forme visuelle, qui n’ont de SENS que pour NOUS. Dans l’ordinateur, il n’y a que des charges électromagnétiques, un ensemble de choses physiques, il n’y a aucune information en tant que telle. Elles ne prennent une valeur d’information que pour les utilisateurs de l’ordinateur. Si j’écris « Je suis un ordinateur, j’existe. », dans un fichier texte, ça ne veut pas pour autant dire que mon ordinateur existe. Si j’écoute une fichier audio de voix synthétique qui me dit « Je suis un ordinateur, j’existe. », je ne serai toujours pas convaincu. Et le jour où un androïde me dira « Je suis un androïde, j’existe. », hé bien, permettez-moi de vous dire que ça ne sera toujours pas une preuve pour moi. De même, un ordinateur, même pourvu d’une caméra, ne VOIT pas. Il reçoit des photons qui provoquent des courants électriques qui engendrent d’autres courants électriques, qui pour nous ont valeur de traitement. Lorsque l’ordinateur renvoie une image qu’il a filmée, à aucun moment, il ne VOIT. La seule personne qui VOIT, c’est l’humain derrière son écran. De même, un robot mobile pourvu de caméras qui lui permettent d’éviter les obstacles ne VOIT pas. Il n’est qu’un ensemble de traitements d’informations programmés par l’homme qui permettent à cet objet « inanimé » de se déplacer selon les lois qu’on souhaite. Aucune image ne se « forme » dans son « esprit ».
Malheureusement, effectivement, pour un humain, le problème devrait être le même. La réflexion est le produit du travail des neurones, qui stockent et déstockent de l’électricité (Je n’utilise peut-être pas les termes exacts, mais on s’en fout, ça n’est pas le problème.). Oui, un raisonnement n’a des bases que matérielles. Non, je n’ai pas plus de raisons d’exister qu’un ordinateur. Et non, je n’ai pas de preuves que les autres humains « existent » (de la façon dont je l’entends). Un humain ne devrait être qu’un ensemble de réactions chimiques plus ou moins compliquées qui entraînent sa survie et sa reproduction. Sans que nulle part, il n’y ait d’esprit. C’est tout à fait imaginable.
Sauf que, je suis désolé de le dire, mais ça n’est pas mon cas. Moi, j’existe. Moi, j’ai un univers interne créé à partir de rien, qui correspond à chacun de mes sens, et qui représente chaque information dans ces dimensions. Ces dimensions qui n’existent nulle part ailleurs que dans mon esprit. Et j’ai également un observateur qui est donc là pour observer ces dimensions. Et même, qui les émule, sans que les sens s’en mêlent directement, par exemple quand il rêve, où quand il s’entend penser. Cet observateur, c’est moi. Ca n’est pas logique, c’est absurde, c’est impossible, mais c’est la vérité. J’existe.

De quatre, dire que la conscience est une illusion, créée par la matière, c’est admettre que la matière, elle, au moins, existe. (En gros, c’est du simple matérialisme, quoi, comme tout bon scientifique qui se respecte…). Le seul problème, c’est que le mot « exister » n’a aucune définition. Vous pouvez vérifier dans le dico : « être », « exister », etc. n’ont pas de définition, juste des synonymes qui s’appellent les uns les autres. Et pour cause « être » est simplement le premier terme qui doit être admis et à partir duquel on peut définir le reste. Et « être », c’est juste une conséquence de « moi »… Moi, j’existe, et le reste vient ensuite. Si je n’existe pas, je ne suis même pas capable de poser le concept « être », de raisonner dessus, ni de supposer que le monde existe mais pas moi…

De cinq, si la conscience est une illusion… Pour qu’on puisse parler d’illusion, elle doit être observée. Or l’observateur de cette fameuse illusion, c’est justement ce qu’on appelle « conscience »… Si la conscience est une illusion, elle est observée par la conscience, qui, donc, existe. C’est magique. (Bien sûr, on n’est plus à ça près, on pourra encore résoudre ce problème en déclarant : « La conscience est une illusion qui s’observe elle-même. ». C’est une phrase magnifique, je vais l’imprimer, l’encadrer et l’accrocher au mur.)

De six, mon essence, mon existence, mon « âme » est plus que de la matière. Elle est plus que mon cerveau. Je suis capable de m’imaginer dans un autre corps. Mais je suis également capable de m’imaginer dans un autre cerveau. Je suis capable de m’imaginer avec d’autres souvenirs, une autre culture, un autre mode de pensée, avec d’autres goûts, un autre langage, ou pas de langage du tout. Je suis capable d’imaginer que « moi », j’aurais pu naître ailleurs, autrement, d’autres parents, être quelqu’un d’autre. Je suis capable de m’imaginer animal. Je suis capable de concevoir l’idée que « moi », ça n’est pas ma matière, et que ça n’est pas ma pensée. Et qu’il y a quelque chose d’autre que la pensée qui fait que « moi » et « toi » (si tu existes), nous sommes deux entités différentes. « Moi », ça n’est pas juste le fait de savoir ou croire que j’existe. Je suis moi depuis que je suis né (ou au moins depuis mes premiers souvenirs), il n’y a jamais eu de changement, je n’ai pris la place de personne. Ca a toujours été moi. Je le sais, ça n’est pas une illusion. (Même si la force de mes souvenirs s’estompe avec le temps, ce qui peut malheureusement semer le doute…)

De sept, Douglas Hofstadter a vraiment des goûts de chiotte. Il est biologiquement impossible de survivre avec une coupe de cheveux et une veste pareilles. Je pense que le monde n’existe pas, ça n’est qu’une illusion que Douglas Hofstadter s’est inventée. Il n’y a pas d’autres explication.

————————————————————————

Note : Je n’aborderai pas ici des hypothèses qui justifieraient que l’esprit existe en dehors de la matière. Des choses impliquant une dimension spirituelle, divine, etc. Personnellement, je rejette ces hypothèses, pour d’autres raisons. Mais ça n’est ici pas le sujet.

————————————————————————

On arrive donc à la deuxième partie de mon aventure, que ces lecture et réflexion énervantes ont provoquées chez moi.

C’est là que ça devient emmerdant.

J’avais dit, dans un précédent article, qu’il n’existe aucune preuve pour nier la véracité du solipsisme (même si cette théorie n’apporte rien en tant que sujet de débat, puisque débattre avec d’autres, c’est admettre l’existence des autres, et donc sa fausseté). Mais que si le solipsisme était vrai, alors il devrait être possible d’en trouver une preuve.

J’avais également dit, dans un ou plusieurs autres précédents articles, que la logique démontre elle-même qu’elle est limitée (notamment parce qu’en tant qu’élément de l’univers, il est impossible d’en avoir une vue et une compréhension totale, à moins de poser le paradoxe d’un élément plus grand que ce qui le contient), qu’elle ne peut résoudre les « grandes questions », lesquelles grandes questions ne peuvent aboutir qu’à des absurdités si on s’acharne à tenter de les résoudre, et que d’ailleurs rien ne prouvait la pertinence de ces grandes questions. La conscience, l’existence du monde matériel, faisant partie de ces « grands questions ». Autrement dit que la conscience, et l’existence du monde matériel ne peuvent être étudiés logiquement (ni d’aucune autre manière d’ailleurs).

Et aujourd’hui, j’ai le malheur de me rendre compte qu’on pouvait juxtaposer ces deux propositions. (Le plus incroyable étant qu’il m’ait fallu xx années pour le faire, alors que je passais constamment de l’une à l’autre. Et que cette idée m’a surement déjà traversé maintes fois l’esprit, mais sans jamais la formuler aussi clairement.)

Bref : Il existe une possibilité et une seule pour que la logique soit parfaite, sans faille, toujours vraie. C’est que le monde n’existe pas.
L’impossibilité de l’existence d’une conscience qui soit issue de la matière, et qui pourtant ne peut être autre chose, et qui pourtant est, implique que monde matériel et conscience ne sont pas logiquement compatibles.
Et comme je suis (Comme je l’ai dit et répété, il n’est pas possible qu’il en soit autrement, je suis, forcément.), si je veux rester logique, le monde n’existe pas. C’est la seule preuve (logique) du solipsisme dont j’avais besoin.

Je vous laisse imaginer l’embarras dans lequel ça m’a plongé.

D’où l’envie de tenter d’influer sur le monde, là, comme ça, par la volonté. Ou de le faire disparaître. Bon, le problème, c’est que je conduisais, et il restait un doute (Le « monde » peut-il être logique ?). Je ne pouvais pas, juste, décider de me suicider, comme ça. D’autant plus que si le monde n’est qu’une création de mon esprit, il n’est pas dit que le suicide détruise mon esprit (pas plus qu’il n’est dit que mon esprit y survive), et si le monde n’est qu’une création de mon esprit, il est certainement inutile de « simuler » un suicide pour y mettre fin. J’ai donc continué à chercher des failles, et à tenter de le plier à ma volonté.
Plongé dans ma réflexion, je suis naturellement passé par des comparaisons entre le monde « rêvé » et le monde « vécu », et donc le fait que la cohérence du monde vécu semble meilleure que celle du monde rêvé (la définition des images, la persistance des paysages, les souvenirs qui ne se contredisent pas, etc.)… mais comment en être sûr puisque le seul juge de cette cohérence, c’est moi ?
Bien sûr, toutes ces réflexions, je les ai déjà eues, des dizaines, des centaines de fois, peut-être plus. Mais bon, ça faisait une de plus.
Et bien sûr, j’en suis venu à penser à Inception, puisque ça entrait dans le sujet. (Notamment au fait que le monde « réel » a un impact sur le monde « rêvé », même lorsque je suis endormi. Ma condition dans les rêves reflète souvent l’état de mon corps endormi. Si j’ai le visage dans l’oreiller, j’étouffe. Si je suis sur le ventre, il arrive que je me rêve allongé sur le ventre sur une table en classe. Si je porte un tee shirt, j’ai moins de chances de rêver que je suis nu, etc. Le monde réel et le monde rêvé ne sont donc pas exactement de même nature.). Pas Matrix, ni Existenz, ni Total Recall, ni autre chose. Juste Inception.

Bref, je me ballade, j’entre dans le centre commercial, je le traverse, dans cette espèce d’état second, perdu dans mes pensées, ça prend plusieurs minutes, je scrute les gens en me demandant s’ils existent, s’ils vont me montrer des « failles », etc… Je traverse des couloirs…
Quelques minutes plus tard, j’arrive à la FNAC. J’entre dans la FNAC. Dans la FNAC, il y a des écrans plats de démonstration allumés qui passent en boucle tel ou tel film. Premier écran qui entre dans mon champ de vision (seul à cet instant), à l’entrée… Je crois reconnaître les acteurs, le film… Je me dis « Non, c’est pas possible… ». Je vois le titre de la jaquette posée devant l’écran. Je murmure : « Putain, la faille… ».
Je vous laisse deviner. Et je n’invente pas.

J’ai donc, naturellement, passé le reste de l’après-midi à essayer d’en trouver une deuxième, de faille. Ca n’a pas fonctionné. C’est beaucoup trop solide. Mon inconscient, chargé de gérer toute la cohérence de cette illusion, est sans doute beaucoup plus puissant que ma conscience. J’ai fini par abandonner. Tant pis, si c’est une illusion, je vivrai avec.

Ou le monde n’est pas logique.

Cette entrée a été publiée dans Chaos, Cérébralité. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

5 réponses à Verbiages

  1. J’imagine que le bouquin doit aborder à un moment le concept de la chambre chinoise: http://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_chinoise

    J’aime beaucoup cette expérience et ce que j’en retire et du débat qui a suivi, c’est que personne n’a vraiment trouvé de réponse pleinement satisfaisante à cette « grande question ». Vous me répondrez probablement qu’on ne peut pas en trouver une et vous aurez peut être raison.

  2. Personne dit :

    Oui. En gros, il est est de mon avis. Un avis que beaucoup de monde partage sans l’avoir formulé aussi clairement, et que beaucoup d’autres ne partagent pas parce que ça empêche (à mon avis) de pousser un raisonnement matérialiste plus loin. (Même si, visiblement, il a aussi tenté de pousser le raisonnement plus loin…)

    Et donc, oui, vous et moi sommes d’accord (grosso modo).

    En gros, c’est aussi une « question », que, à mon avis, on se pose presque tous plus ou moins vers l’adolescence (en moyenne) , sans avoir besoin d’aucune référence extérieure, et que certains (dont moi) ont le malheur de poursuivre à l’âge adulte, sans se rendre qu’ils en ont déjà fait le tour.
    Et après x milliers d’années d’histoire humaine et x milliards de participants à chaque génération, on continue à refaire plus ou moins les mêmes raisonnements en boucle, encore et encore, en croyant faire évoluer les choses…

  3. Malgré tout, il semble dire qu’il a énormément choqué avec son idée toute bête. Et beaucoup de monde n’est toujours pas d’accord, à voir notamment le succès phénoménal du concept de singularité (auquel ni vous ni moi, ne croyions) :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Singularit%C3%A9_technologique

  4. Personne dit :

    Oui, forcément, ça choque un scientifique/matérialiste de base, qui veut des réponses concrètes, et qui pense qu’il suffit d’étudier la matière pour tout comprendre, et qui ne supporte pas ce qui ne peut pas être démontrer par une formule mathématique. J’ose espérer que ça n’est pas la majorité du monde scientifique. (Enfin quand je dis « J’espère. », je m’en fous, en fait… Que ça soit le cas ou pas, ça ne changera rien au monde scientifique.)

    Alors, par contre, (toujours si j’ai bien compris avec les quelques pages que j’ai lues) bien que Hofstadter donne sa réponse matérialiste (toute faite, toute jolie, et donc non sujette à caution, on a notre réponse, on est content, ouf, on peut arrêter de se torturer et d’angoisser devant cette chose incompréhensible. -Ce qui, pour moi, ressemble comme deux gouttes d’eau à du déisme.), il n’approuve pas l’idée de Singularité Technologique (D’ailleurs, j’ai peut-être commis une erreur quand j’ai dit qu’il parlait de « singularité » pour désigner la conscience. Si je l’ai lu sur wikipedia, je me suis trompé, à force de lire en diagonale. Mais pour moi, ça me semblait un terme logique pour désigner la conscience, puisque sa « strange loop », cette espèce de système fermé qui s’augmente de façon exponentielle, sur une courbe mathématique, ça serait un point de singularité, quelque chose qui tend vers l’infini, ou indéfinissable, ou un truc dans ce goût-là.).
    Puisque, oui, effectivement, l’idée de Singularité Technologique n’est pas forcément liée à l’idée de conscience telle que je la vois, ni à l’opposé. Je peux tout à fait imaginer une intelligence artificielle qui simule parfaitement l’intelligence humaine et ses raisonnements, sans toutefois être dotée de ce que j’appelle « conscience ».

    Quoi que… En fait, j’en sais rien. Simuler les rêves, ça devrait être possible, en isolant une partie du cerveau électronique qui ferait office de simulacre de conscience, et par qui une bonne part des données passerait avant d’être mémorisées. (Du coup, la partie « inconscient » se chargerait de simuler les univers onirique de manière plus ou moins aléatoire, tandis que la partie « conscience » se chargerait de simuler son déplacement au sein de ces univers onirique et les enregistrer en temps réel.). L’IA serait alors capable de dire « J’ai rêvé telles choses, de telle heure à telle heure. ». Mais il y aurait toujours ce problème des « couleurs » (ou son, ou autres sensations), qui se forment dans ma tête… Pour quelqu’un qui ne vit pas la même chose que moi, qui ne comprend ce problème des « couleurs », qui ne les « perçoit » pas, ce que j’explique n’a aucun sens… En terme de langage, ce dont je parle ne peut pas se décrire. On ne peut que savoir, de manière innée. Ceci dit, on peut toujours le programmer pour tenir ce discours, sans que ça ait de sens logique, en l’incluant comme donnée primordiale.

    Bref, admettons que la singularité technologique soit possible, ça ne prouvera toujours pas que les IA ont une conscience. Sauf que pour la plupart des gens qui croient à la singularité technologique, ça ne pose pas de problème, puisqu’ils ne sont même pas capable de comprendre qu’ils ont eux-mêmes une conscience…

    Mais en fait, non, je ne crois pas non plus à la singularité technologique, parce que je crois aux limites de la science (ou du moins au fait qu’elle aboutit à des choses de plus en plus paradoxales à mesure qu’elle tente de s’approcher des limites logiques du monde), et les IA seront toujours des organismes logiques, puisque la logique est la seule chose que comprend l’homme. La logique n’engendrera jamais autre chose que de la logique pour « disséquer » le monde. Et quand bien même elle engendrerait cet autre outil, celui-ci serait toujours un élément du monde, donc limité.

    De plus la singularité technologique se contente de croire que c’est la rapidité de calcul qui définit l’intelligence. Et qu’il suffit donc de diminuer la taille des éléments qui composent le cerveau électronique pour multiplier cette vitesse de calcul, et augmenter la vitesse de stockage… Sauf que les capacités chiffrées des ordinateurs actuels semblent déjà supérieures au cerveau humain sur beaucoup de points… Et pourtant, on n’en est toujours pas à de l’IA comparable à l’intelligence humaine. On a des ordinateurs capables de faire des calculs à x chiffres, dessiner des ronds parfaits, des fractales, etc. Une mémoire infaillible…Tandis que l’homme semble maladroit, il essaie, répète et rate constamment pour apprendre, oublie presque tout… Et sans doute que c’est justement ça, l’intelligence. Que pour rendre les machines intelligentes, il faudrait les rendre maladroites, imparfaites, et donc pas plus rapides que l’homme pour faire évoluer la science. On confond productivité et intelligence.

    Sans compter qu’un cerveau, artificiel ou non, pour durer, survivre, et se reproduire, devra avoir en lui des lois immuables pour le faire, nos fameux instincts de survie et de reproduction, qui sont contraire à l’intelligence pure. De même que cette loi intrinsèque à l’intelligence, probablement instinctive elle aussi, qui lui dit que tous les problèmes doivent être résolus et que l’intelligence doit constamment progresser, bien que rien, dans l’absolu ne l’y pousse. Il n’est pas dit qu’un cerveau plus performant que celui de l’homme se pliera encore à ces lois (qui, j’imagine, devront donc être programmées par l’homme, à la base, en tâchant de les rendre immuables à travers les générations d’IA), et sera donc encore capable de poursuivre l’évolution (de l’homme ou du « sur-homme ») après avoir atteint certaines conclusions logiques. La survie de sa propre espèce ou la recherche d’une éventuelle (mais peu probable) vérité ultime ne sont pas des choses qui vont logiquement de soi.

    Si l’on atteint cette fameuse singularité technologique (ce à quoi je ne crois pas non plus), on n’ira sans doute pas plus loin.

  5. Personne dit :

    J’ajoute que la singularité technologique, non seulement je n’y crois pas, mais en plus je ne l’espère pas. Comme la plupart des progrès et découvertes scientifiques, d’ailleurs. Je crois que l’Homme a déjà bien assez de technologies, de connaissances scientifiques, et qu’il pourrait tout à fait se contenter de ce qu’il a déjà pour se créer un monde plus vivable, peut-être même un monde agréable, ou au moins ne pas le condamner à l’autodestruction.

    Et puis, franchement, l’Homme, je trouve qu’on l’a assez vu sur Terre. Il serait temps de passer à autre chose.