Etre soi-même.

Je suis une femme.
Voilà, c’est décidé, je suis une femme. J’ai bien réfléchi. Je crois que c’est la meilleure chose à faire.

Soyons clairs, je n’ai pas d’attributs physiques féminins, et ça ne me pose pas spécialement de problème. Je n’ai pas non plus d’amour immodéré pour l’image de la femme et l’ensemble des clichés qui peuvent lui être associés dans la société où je vis, ni même pour l’image de la femme et les clichés associés dans une quelconque autre société dont j’ai connaissance. (Et l’inverse est vrai aussi, quant à l’image de l’homme et aux clichés associés. Je crois être relativement neutre de ce côté-là.). Les pantalons me conviennent. Et quant à mon orientation sexuelle, je ne suis pas non plus intéressée par l’idée de suivre l’orientation sexuelle de la majorité des femmes, c’est-à-dire l’attirance pour le corps masculin. Non, en tant que femme, je serais plutôt lesbienne.  Mais tous ces points n’ont rien de vraiment bloquant. Il y a des femmes qui naissent dans un corps d’homme et décident de le modifier, pour acquérir les attributs physiques féminins, sans pour autant modifier radicalement leur comportement pour le faire coller à l’image d’Epinal féminine. Et il y a des femmes qui naissent dans un corps d’homme et décident de faire avec, le corps en lui-même étant secondaire, mais d’accepter leur féminité en adoptant la majorité des comportements et rites attribués aux femmes. Et il y a encore des femmes qui naissent dans un corps de femme, et ne suivent pourtant rien de ce qui est censé définir leur féminité sociale, ni clichés comportementaux, ni codes vestimentaires et d’apparat, ni sexualité habituellement associée, ni maternité, etc., et ce sans pour autant renier leur féminité.

Et bien moi, je serais plutôt d’une nouvelle sorte de femme. Née dans un corps masculin avec un métabolisme masculin, et souhaitant y rester, sans avoir besoin de coller à rien de ce qu’on associe arbitrairement aux femmes. Et je garde mon prénom. Je souhaite juste qu’à partir d’aujourd’hui, les accords de genre soient respectés par mes interlocuteurs quand on s’adresse à moi et quand on parle de moi. Qu’on m’appelle « Madame », et que mon pronom soit « elle ».
Donc c’est fait, je suis une femme.

Je crois que ça va beaucoup m’apporter. Une nouvelle vision, un nouveau point de vue, peut-être la capacité de mieux partager et ressentir la discrimination ambiante dont nous sommes toutes victimes. De nouvelles réflexions sur la condition féminine, sur l’inégalité, sur le machisme, la misogynie, sur le féminisme…

Et l’accès au vestiaire des filles.

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9 réponses à Etre soi-même.

  1. Gornoff dit :

    Ça m’a fait rire.

    • Personne dit :

      Merci, ça fait plaisir.

      Je crois qu’il y a eu très exactement trois visiteurs à avoir ri pour un total de cinq fois, depuis la création de ce blog.

      Sinon, après cet article, je comptais continuer mon blog en utilisant uniquement le féminin en parlant de moi, mais j’ai oublié et/ou je me suis dégonflé.

      Et la morale de cet article, c’est aussi que je trouve que c’est vraiment pas la peine que tout le monde se prenne la tête avec la nature de sa virilité, de sa féminité ou de ce genre de conneries. Une femme, c’est quelqu’un qui a des organes génitaux de femme, et un homme, c’est quelqu’un qui a des organes génitaux d’homme. Après, chacun fait ce qui lui chante (de se organes génitaux et du reste), et devrait être capable et s’efforcer d’envoyer chier toutes les conventions d’apparence et de comportement, clichés et autres idioties, qui sont censées le définir socialement.

      Mais ce qui est vraiment dommage, c’est que la structure du langage elle-même soit construite sur cette opposition féminin/masculin, qui, si on était pleinement rationnels, ne devrait être qu’un qualificatif tout à fait secondaire au même titre que n’importe quel adjectif. Je trouve ça même un peu inquiétant que ce soit la sexualité qui soit un des fondements du langage.
      Parce que oui, quel intérêt de marquer autant cette différence entre individus, et uniquement cette différence-ci, sinon pour rappeler de quelle manière un individu donné est apte à s’accoupler ? En gros, dès qu’on aligne trois mots, on parle de baise éventuelle…

  2. Gornoff dit :

    À l’inverse moi je me demande pourquoi aujourd’hui on cherche absolument à gommer toutes les différences, qu’on veut faire assimiler que le « genre » est purement une construction de la société (explication qui marche à tout les coups) et qu’un homme et une femme, c’est la même chose (plus ou moins le créneau des « gender studies » que je trouve en générale assez débiles). Non, c’est pas pareil, et je ne vois pas en quoi c’est un problème. C’est une différence à la base suffisamment importante pour qu’on construise le langage en disant « elle » ou « lui » et pas « ça », et je ne vois pas en quoi c’est choquant.
    Peut-être qu’un jour les gender studieux se créeront leur propre pays de toute pièce avec un tout nouveau langage entièrement neutre, et où chaque individu décidera avant la puberté s’il veut être un homme où un femme, et on l’aidera avec des hormones et de la chirurgie. Je dis ça parce que j’ai lu une fois qu’un couple de lesbiennes progressistes faisait prendre des hormones à leur fils avant la puberté, parce qu’il était assez mature pour décider qu’il voulait être une femme et que le changement est d’autant plus facile qu’on s’y prend tôt.

    • Personne dit :

      Ben le problème, c’est que les caractéristiques non métabolitiques (physiques, biologiques) qu’on associe à un homme ou à une femme varient selon l’époque et le milieu culturel. Et qu’on s’appuie sur ces caractéristiques pour justifier des injustices, et contraindre des individus à se plier à ces modèles arbitraires. Il y a certes des tendances psychologiques innées, mais ce ne sont pas elles qui perpétuent à elles seules tous les clichés sociaux. (Personnellement, je suis heureux de ne pas me plier à beaucoup de clichés. Et toi-même, je ne pense pas que tu puisses dire que tu corresponds à tous les clichés sociaux masculins.)

      Par contre, mon avis, c’est justement que le changement de sexe n’a aucun intérêt, puisque les organes génitaux sont (ou au moins devraient être) secondaires (leur poids réel psychologique et social, pas les conséquences médicales de l’opération), et ne doivent pas définir notre image sociale. Pour moi, décider de se faire opérer, c’est clairement un problème mental.(Comme toute la chirurgie esthétique, d’ailleurs, en général. Sauf cas graves, reconstruction faciale, etc.)

      Quant au poids du langage, pourquoi généraliser masculin et féminin à tous les objets inanimés ? Pourquoi créer des pronoms distincts seulement pour cette distinction-ci, et pas pour les petits/les grands, les blancs/les moins blancs, les blonds/les roux/les bruns, les gros/les maigres, les calmes/les brutaux, les jeunes/les vieux… ?
      Pourquoi les individus des autres espèces sont-ils, en général, désignés par un seul genre (« une girafe », « un lion », « une souris », « un chien », « une grenouille », etc.) ? Et si jamais on fait la distinction de sexe pour les individus de ces espèces, est-ce que ça a vraiment le même sens de dire « il » ou « elle » ? (Est-ce que « elle » pour une mante religieuse femelle, ça a le même sens que « elle » pour un humaine telle qu’on se la représente ?)

  3. Gornoff dit :

    N’étant pas historio-linguiste, je ne sais pas comment s’est construit le langage. Évidemment le langage influe notre façon de penser, faudrait voir si les français sont plus sexistes ou plus obsédés que les allemands ou les anglais.
    Mais quand j’entends des féministes qui veulent plus qu’on généralise en disant « ils », je ne peux pas m’empêcher de trouver ça débile.

    Évidemment il y a une grosse partie de construction sociale dans le rôle assigné aux femmes et aux hommes, mais je pense pas qu’il n’y ait que ça. On n’est pas de purs esprits, le corps fait partie de notre identité, comme hommes et femmes ne fonctionnent pas tout à fait pareil, ça ne me semble pas être atrocement rétrograde de supposer qu’il y a bien une différence.
    Après, je le ressens peut-être pas parce que je ne suis pas une femme, mais j’ai pas l’impression qu’une femme est particulièrement brimée aujourd’hui.

    Quant à la transexualité, je vois ça aussi comme un problème mental et qu’il n’y a pas forcément lieu d’y répondre par la chirurgie. D’ailleurs récemment une page facebook que j’avais likée s’indignait d’un article dans lequel il était dit qu’un homme ne pouvait pas devenir une femme, mais ne resterait qu’un ersatz de femme. Apparemment, c’est rétrograde de dire ça.
    Je ne sais pas ce que ressentent les gens qui se sentent homme dans un corps de femme, ou l’inverse, mais comme tu dis ça ne devrait pas être déterminant.
    Ceci dit, un homme qui s’habillerait en femme, on ne pourra pas empêcher qu’il se fasse regarder bizarrement. Il faut peut-être accepter que tout ne soit pas « normal », tout en acceptant ce qui ne l’est pas, au lieu de vouloir tout faire tout rendre normal.

  4. Personne dit :

    (J’avais raté ce commentaire, j’ai pas reçu de notification par mail.)

    Je ne sais pas si c’est débile de vouloir qu’on ne généralise plus en disant « ils », mais effectivement, ça serait une grosse refonte du langage, et il faudrait être capable d’évaluer exactement ce qu’on y gagnerait en égalité sexuelle, en plus de l’emmerdement linguistique. Ça vaut peut-être le coup. Ça ne le vaut peut-être pas, je ne sais pas.
    Je ne sais pas si ça influe sur notre obsession sexuelle non plus, mais je trouve quand même un peu ridicule de donner un sexe au objets. Mais il faut bien admettre que c’est quelque chose d’omniprésent, même moi, qui n’en suis pas particulièrement fier, je m’étonne d’avoir très souvent besoin de chercher à voir le visage des femmes que je vois de dos dans la rue. Qu’est-ce que ça peut me foutre ?… A part cette obsession inconsciente constante…

    (En fait, il y a 15 ans, j’avais écrit une nouvelle où le sexe était « aboli ». Dans un monde post-apocalyptique irradié, les humains étaient devenus une espèces vivant leur vie dans un exosquelette asexué, mais une vie tout à fait libre, variée, enrichissante et diverstissante. Simplement leur corps organique ne représentait plus pour eux leur véritable enveloppe, et la sexualité omniprésente chez nous disparaissait d’elle-même. Et toutes les tensions et violences propres à notre société disparaissaient avec elle. C’était mon utopie à moi…)

    Forcément, il n’y pas que la construction sociale. Il y a des différences physiques, métabolitiques, qui influent, ne serait-ce que la grossesse et ce qui s’y rapporte. Mais tout de même, ces différences sont, à mon avis, très surestimées. Et bien souvent par les hommes.
    En tant qu’hommes on ne ressent pas l’inégalité et l’injustice, pas trop, mais les femmes, pourtant, semblent toutes d’accord sur son existence. Donc j’aurais tendance à leur faire confiance. L’inégalité des salaires, la non parité dans les postes haut placés et politiques, le nombre de femmes battues, le harcèlement sexuel, des remarques blessantes ou méprisantes, des métiers et études réservés aux femmes et d’autres aux hommes, etc. Il reste quand même des choses à faire, des évolutions à faire au moins dans notre mentalité, quand on y réfléchit un peu.

    J’irais pas jusqu’à dire que ça serait un ersatz de femme. Disons que ce que je veux dire, c’est que « femme » ou « homme », ça ne décrit que des attributs physiques. Donc un transsexuel complet, c’est une « femme synthétique » ou « homme synthétique », en quelque sorte. Mais ça ne me semble pas non plus fondamental, cette différence… Disons que c’est le choix de l’opération en elle-même qui est une erreur, d’après moi. Après, une fois que c’est fait, qu’on soit devenu homme ou femme, ou pas, je m’en fous un peu.

    Par contre, la tenue sexuée, c’est justement quelque chose d’autre que je trouve dommage. Je ne sais pas quel effet ça fait de porter des jupes, des robes, mais en été, ça doit pas être si mal que ça. Et pourtant, ça m’est interdit dans la société actuelle. Du moins, si je veux garder mon boulot, par exemple. Ou si je ne veux pas me faire draguer par des hommes.
    Ce que je trouve idiot, c’est justement « la norme ». La « norme », ça n’existe pas, c’est une construction sociale, une tradition, et ça interdit la remise en question et la réflexion pour rechercher le meilleur, le plus pratique, le plus épanouissant.

    Oui, bon, en fait, c’est un peu ce que tu disais aussi. Donc oui, l’opération de changement de sexe permet d’avoir des pratiques féminines sans être mal vu socialments… Mais c’est un peu dommage. Ce serait beaucoup plus sain qu’on soit tous capables d’envoyer chier les conventions sociales.

  5. Gornoff dit :

    Je suppose que les normes ont quand même une utilité sociale, dans une certaine mesure. D’unité, de cohérence, je sais pas trop, faudrait imaginer ce que ça donnerait sans aucune norme. Et puis ça donne un intérêt à la transgression. Effectivement c’est mieux de tolérer la différence, mais s’il n’y avait que de la différence? Si personne ne s’habillait ou ne se comportait selon les mêmes codes? On verrait sûrement des gens aller à l’encontre de la « norme » de la différence en s’habillant et se comportant pareil. Ça me semble logique qu’il y ait une tendance générale, donc une norme. La plupart des gens sont psychologiquement en adéquation avec leur sexe physiques, sont hétérosexuels, etc… parce que c’est la nature (on a encore le droit de dire ça?). Avec un spectre de variation plus ou moins large, ils s’habillent pareil, mangent pareil, écoutent la même musique, regardent les mêmes films… Et ça aide à vivre ensemble. Et vivre enemble génère une culture commune, une norme. C’est sûr que si à côté on condamne les homosexuels à mort, c’est pas sympa. Dans une moindre mesure, si tu as un look vestimentaire excentrique, les gens vont te regarder (voire se sentir menacés si ça devient massif), et ça peut te restreindre dans tes choix (pratiques ou esthétiques). Moi par exemple je n’ose pas sortir en sandales avec des chaussettes. Porter une jupe, c’est peut-être agréable en effet. Il faut émigrer en écosse et porter le kilt. Ou dans un quartier où c’est la norme de porter la djellaba.
    Après dans une même société il y différents espace dans lesquels on peut se sentir plus ou moins bien. J’aurais du mal si j’avais un boulot qui m’obligeait à être bien rasé, bien coiffé, et à porter un costume. Il y a peut-être des boulots dans lesquels tu pourrais porter une jupe.

  6. Gornoff dit :

    Tiens j’avais déjà lu un article sur lui:
    http://youtu.be/32BzQnGD7Tc

  7. Personne dit :

    Je ne crois qu’on puisse n’avoir « que de la différence », on ne peut pas faire des variations infinies, non plus. Mais je veux juste dire que c’est dommage que certains codes soient imposés, dommage que « la norme », c’est à dire finalement la mode, et la moyenne des comportements à un instant t, devienne un étalon dont on ne doit pas trop s’écarter. Ou pas trop brusquement, pour ne pas choquer.

    Maintenant, personnellement, en fait, le non port de la jupe et de la robe est beaucoup trop ancré en moi pour que j’aie véritablement le désir d’essayer. L’idée ne m’attire pas spécialement. Mais je rate sans doute quelque chose, alors que je n’ai véritablement aucune raison pour cet évitement (sinon le poids de la société… qui, aussi, souvent, est bien plus fort dans la façon dont on l’intègre naturellement en soi, que dans les conflits qu’on craint de devoir affronter si on s’écartait de la norme… La peur suffit à nous enfermer.).

    J’aime bien la vidéo d’hommes en jupe. Le plus drôle, c’est qu’en fait, voir des hommes en jupe ou robe, ça ne choque même pas. On s’imagine à l’avance un choc qui n’existe pas.
    (Par contre, bémol pour la conclusion : « J’ose faire ce que vous, vous n’osez pas, donc pour moi, c’est viril, c’est être un vrai mec. ». Ouais, bon, d’accord… Par nature, les femmes sont des chiffes molles, et les hommes, eux, ont des couilles. Dommage, on était pourtant bien parti…)

    (Et moi, euh, pour mon boulot, je n’ai jamais vraiment porté de costume. Et jamais ô grand jamais la cravate, même pour les entretiens d’embauche. Juste pantalon toile et chemise -Mais je crois que je m’impose tout seul une contrainte supplémentaire. Jean tee shirt, ça passerait aussi.-. Mais si je devais un jour porter costume et cravate… Dépression ou démission ne tarderaient pas… La cravate… Mon dieu, la cravate.)