Au fond…

… si on regarde les choses jusqu’au bout, l’argumentation des anti-végés/pro-viandes se résume très souvent à une seule chose « Je peux continuer à manger de la viande, parce je ne fais rien de mal. ».

(Notez que l’argumentation porte sur « Je peux continuer… », et non pas sur « Je dois continuer… ». Il n’y a pas de motivation rationnelle au choix de continuer à manger de la chair animale. Il y a juste un « Je veux… » lié au goût, au plaisir tout égoïste, dont la réticence éthique est balayée par un « Je peux… ». Malheureusement, ce qui n’entre absolument pas en ligne de compte dans ce « Je veux », c’est que le goût s’apprend, se travaille, se modèle, se redécouvre, et donc évolue. Que se passer d’un plaisir gustatif ne condamne pas au manque et à la souffrance gustative jusqu’à la fin de ses jours. Et donc qu’un « Je veux » motivé par le goût est un « Je veux » tout à fait fugace, pour peu qu’on accepte de le laisser partir.)

« … parce que je ne fais rien de mal. » : Que ce soit parce que tuer est une obligation de la nature… parce que les animaux sont mis au même plan que les plantes… parce qu’on ne peut pas évaluer toutes les conséquences de tous nos actes… parce que le bien n’existe pas s’il n’est pas absolu (= le mal n’existe pas si on ne peut pas empêcher TOUT le mal)… parce que tout ce qui vit et meurt appartient au grand cycle de la vie et de la mort… parce que la mort n’a pas d’importance si elle est sans souffrance… et parfois même parce que la souffrance elle-même n’a pas d’importance…. Etc.

Quand on regarde un peu mieux ces arguments pour ce « Parce que je ne fais rien de mal. », on se rend compte que tous se réduisent en fait à « Parce que  rien n’est mal./Personne ne peut faire le mal./Le mal n’existe pas. »

Donc on peut manger de la viande, parce que le mal n’existe pas.
Mais si le mal n’existe pas, on peut aussi faire à peu près tout ce qu’on veut à n’importe qui…

———————————————————————————————————————–

Et sauf que, effectivement, personne ne peut appréhender la totalité des conséquences de ses actes, leur impact total en bien ou en mal. Mais ce qui est certain, c’est que lorsque j’ai déjà directement sous les yeux, bien visible, un total de conséquences vraiment négatif (du genre « torturer et tuer alors que c’est manifestement dispensable »), la probabilité que cet acte soit vraiment mauvais est plutôt écrasante.

Par exemple, tuer quelqu’un dans la rue pour lui voler son porte-monnaie, c’est mal. Pourtant, ce quelqu’un dans la rue pourrait aussi bien être un serial killer, alors peut-être que si je le tue, je fais plus de bien que de mal, alors pourquoi je me gênerais pour le tuer ?… Ou alors peut-être que c’est quelqu’un qui a désigné une association humanitaire comme légataire universel, et que sa mort sauverait des tas de vies ?… Ou même, une fois dans la tombe ou ses cendres dispersées, ce quelqu’un nourrira des centaines ou des milliers d’insectes, des centaines ou des milliers de petites vies, et c’est pas rien, sans compter toutes les plantes… Et puis s’il meurt, ça fait aussi une personne de moins sur Terre pour participer à l’effet de serre… D’ailleurs, peut-être qu’il est dépressif et qu’il veut mourir… Et au fond, si je le tue par surprise, très vite, en lui brisant la nuque, ou en l’égorgeant après étourdissement il ne va pas souffrir, il n’aura même pas peur, il ne va même pas se rendre compte qu’il meurt, donc il n’y a rien de mal là-dedans… Surtout s’il vit seul, sans famille… Et puis de toute façon, la vie est tellement merdique, elle n’est que souffrance, au moins si je tue les gens par surprise, même des enfants, je leur évite de souffrir pendant des dizaines d’années… Si ça se trouve, ils seraient morts d’une maladie horrible, ou dans un accident de voiture, en plus… Et puis bah, de toute façon, tout le monde meurt.

Ça ira, là, ou vous en voulez d’autres, des démonstrations débiles du genre « pensée magique » pour justifier n’importe quel acte de cruauté ?

————————————————

Cadeau bonus
Ca se passe en France, en 1949, un jour comme les autres dans une entreprise comme les autres. C’est naturel, donc il n’y a rien de mal. Et je vous prie de regarder jusqu’au bout, les dernières minutes sont les meilleures.

Et si vous voulez plutôt voir comment ça se passe en France aujourd’hui, vous trouverez votre bonheur sur L214. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Cette entrée a été publiée dans Les personnes qui ne se mangent pas.. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Au fond…

  1. Von Gornov dit :

    Commentaire sans rapport direct, mais pour avoir lu il y a peu les commentaires sur un article de Rue 89 (je crois) que tu avais mis sur Facebook, j’ai réalisé à quel point les arguments des pro-viandes qui se donnent la peine de répondre sont cyniques, de mauvaise foi, débiles, ou tout à la fois. Ça doit être vraiment pénible de se défendre sur ce terrain là.

    • Personne dit :

      Oui et non. C’est déprimant et grisant en même temps. Plusieurs fois ces derniers temps, sur plusieurs articles de blogs et journaux, ou sur des vidéos, j’ai passé un certain temps à poster des commentaires, voire entretenir des échanges, avec des divers carnistes, et en fait… ça m’a permis de tester toutes sortes d’argumentations et façons de les formuler. Et parfois, c’est assez amusant. L’argumentation purement rationnelle est rarement la plus efficace, parce qu’une fois que l’interlocuteur se barricade dans son déni, la discussion est à peu près foutue, ça peut aller de plus en plus loin dans l’irrationnel et le n’importe quoi (un niveau qui aurait été impossible à envisager en début de conversation), mais je ne sais pas, des fois, j’ai quand même l’impression d’avoir posé une pierre pour une réflexion future chez le lecteur. Par exemple, une fois, en finissant avec un message déstabilisant de compassion sincère directement envers l’interlocuteur, sans aucun autre contenu que la compassion pour lui, alors que l’autre vient d’enchaîner les insultes et les descriptifs provocateurs du plaisir qu’il prend à tuer un cochon (et que sa description soit totalement inventée ou pas, j’avoue que je m’en fous un peu).
      Et des exemples de réactions totalement improbables et absurdes, j’en ai eues avec presque tout le monde (quand je pousse suffisamment – ou trop- loin l’échange).

      Bref, tout ça m’a permis de prendre de mieux en mieux conscience que la consommation de viande des occidentaux, et plus particulièrement l’élevage, n’est pas quelque chose de perpétué par des individus fondamentalement insensibles ou mauvais, mais juste une véritable folie collective, qui se manifeste parfois de façon assez époustouflante.

      Par contre, en ce qui concerne l’antispécisme (qui est une « théorie », ou un ensemble de théories tout à fait cohérent-e, rationnel-le et éthique… en tout cas mille fois plus rationnel que toute « argumentation » spéciste…), en ce qui concerne l’antispécisme, donc, j’ai quand même des bémols à poser. Des bémols que je n’ai jamais lus nulle part, puisque les spécistes sont généralement incapables de comprendre l’antispécisme, et que les antispécistes sont convaincus que l’antispécisme est la réponse à tout. Mais des bémols qui ne concernent pourtant pas le caractère rationnel de l’antispécisme.

      Mais ces bémols, je les poserai dans un prochain post, où je parlerai probablement aussi un peu de la semaine un peu dingo que je viens de passer aux Estivales de la Question Animale.