Et hop, et stop.

Ce qui suit est potentiellement très déprimant. Il est déconseillé de le lire.

Mais je ne m’interdis pas de l’écrire, puisque c’est mon blog.

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Je vais parler de la mort. Et je vais parler de la mort en posant comme postulat que la mort est la fin de moi. L’instant après lequel je n’existerai plus.
Les déistes, animistes, mystiques et autres croyants en une forme de persistance de « l’âme » après « la mort » qui me liraient peuvent donc s’arrêter ici. Ce qui suit ne les concerne plus, je n’arriverai pas à leur faire comprendre ce que j’essaie d’expliquer, et s’ils réagissaient en commentaire en exprimant leur opinion, ils ne me convaincraient pas non plus, et on ne parviendrait qu’à s’énerver mutuellement.

Je poursuis…

Je ne crois pas en la subsistance de « l’âme » après la mort pour plusieurs raisons.

Si la mort n’est pas la fin de moi, alors :
- Soit l’âme subsiste après la mort pour un temps limité.
- Soit l’âme subsiste après la mort pour l’éternité.

Et :
- Soit l’âme subsiste après la mort dans un monde spirituel.
- Soit l’âme subsiste après la mort en revenant dans le monde physique dans une nouvelle enveloppe charnelle.

De plus, supposer que l’âme est éternelle, c’est également supposer que l’univers (dans sa globalité, qu’il n’ait qu’une dimension matérielle, ou qu’il ait également une dimension spirituelle) ne connaîtra jamais de fin.

Si l’âme subsiste après la mort dans un temps limité, je ne vois pas l’intérêt de poser cette hypothèse. La mort véritable, la disparition de l’âme, viendra donc seulement un peu plus tard que la mort du corps. Il n’en reste pas moins que la mort véritable sera la fin de moi, et qu’il me faudra affronter cet instant de passage vers le néant, mais simplement plus tard.

Si l’âme subsiste pour l’éternité… La simple idée me donne la nausée. L’éternité, c’est très long… C’est supposer qu’il n’y aura pas d’issue, pas de repos, jamais… S’il vient un moment où mon âme aura tout vu, tout compris, il ne lui restera plus rien à faire… Et pourtant ça ne s’arrêtera pas. L’éternité serait vraiment une idée terrifiante, qu’elle se fasse dans un monde spirituel ou par réincarnations successives. On peut aussi imaginer une boucle sans fin, pas plus réjouissante… La plupart supposent que l’âme finit par fusionner avec le grand tout (Dieu ou autre), que la conscience se dissout, pour finalement détruire toute individualité et tout tourment que l’ego apporte… J’avoue que je ne vois pas bien la différence avec la mort véritable, la fin de moi…
Et dans ce cas, autant se contenter de la mort première, au moment où elle semble visiblement survenir dans le monde matériel : A la mort du corps. Mon corps retournera à la matière de l’univers, et ma conscience disparaîtra : Oui, c’est bien la définition (physique, matérielle, athéiste et banale) de la mort. Pourquoi chercher plus compliqué ?

Décidément, tout ce que je vois dans les différentes hypothèses qui supposent que la mort n’est pas la mort, c’est simplement un moyen de retarder l’échéance pour accepter l’idée de cette mort trop rapide, trop proche, trop effrayante, et imaginer qu’un jour, sous une autre forme, on aura la capacité métaphysique de l’accepter sans peur. On transforme juste sa silhouette pour la rendre plus floue et moins effrayante.

Mais moi, personnellement, je préfère affronter la première telle qu’elle se présente. C’est un choix. Je ne suis pas sûr que ce soit le bon. Ne pas craindre la mort n’aide pas à profiter de la vie.

Ça fait une vingtaine d’années que pour moi la mort a perdu son aspect terrifiant, dramatique, inacceptable et insupportable. Je me souviens parfaitement du jour. C’est simplement parti d’une réflexion. J’avais peur de passer ma vie entière dans la terreur de la mort, et, le jour dit, de mourir dans une peur insoutenable. Je me suis alors dit que le but de la vie était peut-être d’apprendre à ne plus avoir peur de la mort. Puis je me suis mis à réfléchir au début de la vie, au fait qu’à une époque, j’avais déjà été inexistant. Et finalement au fait, qu’en l’instant où je réfléchissais à tout ça, certains enfants, que je ne connaissais pas encore, que je connaîtrais plus tard, dans quelques années, dont je connaissais précisément les parents, n’existaient pas encore, n’étaient pas encore conçus, n’avaient rien d’existant. Ça m’a semblé effroyable. Pas moins que la mort. L’idée de naissance était aussi insoutenable que l’idée de mort. Et je me suis dit que ça y était, je n’avais plus peur de la mort. Et je crois que c’était le cas. Je n’ai plus jamais ressenti cette terreur insupportable.

(Quelques années plus tard, ces enfants sont nés, forcément. C’est important, ça confirme mon idée, même si c’est évident.)

En 20 ans, pourtant, l’idée de la mort ne m’a plus jamais quitté. Elle fait partie de moi, je l’ai domptée, et peut-être embrassée, à force. En 20 ans, à force d’y penser et repenser, les restes de peur ont eu tout le temps de s’effacer, de plus en plus. Je peux parfaitement imaginer mourir demain, ça ne me fait rien. Le seul regret que j’aurais, c’est de causer de la peine ou de la souffrance. D’autant plus que je suis relativement jeune, et je pense que la souffrance pour les proches est plus ou moins proportionnelle à la jeunesse du défunt, au sentiment d’injustice. Et la souffrance entraîne de mauvais choix de vie, autodestructeurs. En ce sens, oui, les conséquences que ma mort pourrait avoir, et qui m’échapperaient totalement, me font peur. (En plus, bien sûr, de l’instant de mort en lui-même, probablement, si j’y étais confronté, avant d’être certain d’avoir atteint le point de non retour. Je crois, et j’espère que, devant le constat du caractère irrémédiable, je mourrais sans peur.)
(Je ne dis pas non plus que voir quelqu’un mourir sous mes yeux ne me mettrait pas en état de choc. Je n’en ai aucune idée, ça ne m’est jamais arrivé, et c’est un autre débat.)

La mort, donc, c’est l’issue, c’est l’instant où il n’y aura plus rien. C’est aussi l’instant où je ne pourrai plus faire de mauvais choix, faire du mal, tuer, blesser, directement ou indirectement, me tromper, mal penser, mal apprendre, mal faire, mal ne pas faire, mal profiter, culpabiliser, angoisser, me perdre, me trahir, me déliter, regretter, etc. C’est l’instant où il n’y aura plus à se poser de question, où les questions n’existeront plus. Accessoirement, c’est également inévitable, ce qui revient à dire qu’aucune question n’a de sens face à la mort, et que donc, dans l’absolu, aucune question n’a de sens, tout simplement. La mort est effectivement l’instant qui résout tout. Peu importe nos choix, nos destins, c’est l’instant vers lequel tout converge.

Tous les chemins mènent à Mort.

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Voilà. Je me sens mieux.

Mais comme n’importe qui peut tomber sur mon site, pour me donner bonne conscience, je rajoute ça.

Bonne nuit.

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5 réponses à Et hop, et stop.

  1. Madorie dit :

    J’admire le travail que tu as pu faire sur la mort. J’en suis incapable, je suis hypocondriaque, j’ai peur de la mort, c’est presque viscéral. Mon humour parfois très glauque vient de là, je masque juste le fait que toute cette connerie me fait peur : peur de souffrir, d’avoir mal, peur du néant…
    Et dans cette logique nombriliste, à la mort d’un être cher, j’ai pris une carte de donneur d’organes. Comme ça, je me suis dit que je vivrais toujours un peu, peut-être dans le corps d’un ado en Éthiopie ou d’un américain obèse. Peu importe. Il restera une trace vivante de moi.

    • Personne dit :

      Je ne pense pas que ce soit de l’hypochondrie, je pense que c’est juste naturel d’être terrifié par la mort. Et je ne pense pas qu’on puisse avoir « un petit peu peur » de la mort. C’est tout l’un ou tout l’autre. Soit c’est inacceptable, soit on y est indifférent (Dans une certaine mesure… Dans l’idée, en tout cas).
      Par contre, oui, j’ai peur de la souffrance (surtout parce que je pense ne pas avoir connu dans ma vie de douleurs réellement intenses)… Mais surtout d’une éventuelle mutilation… Je ne supporte la vue de mes coupures, de savoir que ma chair est entamée… Ca me fout des chutes de tensions. Et quand j’entends des descriptions de tortures ou de blessures (même internes), de muscles/tendons/chair à moitié déchirés, d’yeux exorbités ou je ne sais quoi, immanquablement, je me sens mal. A la limite, je préfère les amputations franches. Donc certaines idées de pré-morts possibles me foutent quand même les chocottes…

      Le don d’organes, en ce qui me concerne, je préfère l’idée de tout garder ou tout détruire ensemble (Donc plutôt incinération. Même si, en fait, d’expérience, l’incinération est un mauvais choix. C’est beaucoup plus difficile pour les proches de le vivre au mieux et de faire le deuil, à cause du déroulement des obsèques, à cause des contraintes légales sur la conservation/non conservation des cendres, à cause de la quasi absence d’un lieu de recueillement -de préférence distinct de son propre salon…-, etc. Pour les proches du défunt, l’idéal reste l’enterrement à mon avis.), mais si l’occasion se présentait, hé bien, autant ne pas gâcher.
      Ce qu’il faut savoir, c’est que, par défaut, on est tous donneurs d’organes. Mais en pratique, les médecins demandent l’accord de la famille. Donc en gros, si de ton vivant tu en as parlé à ta famille et que tu leur fais confiance, tu seras donneur/donneuse (si l’occasion se présente), que tu aies la carte ou pas. D’ailleurs, l’avis de la famille passe avant la carte (qu’on ne retrouve pas forcément).
      Sinon, le seul choix légal qui peut être fait de son vivant, c’est de s’inscrire sur la liste des refus de dons d’organes.
      (Bon, enfin, tu peux le lire toi-même ici : http://www.dondorganes.fr/Vos-questions-les-plus-frequentes.html)

      Ce week end, je me suis quand même imprimé une carte, en me disant que ça serait peut-être plus clair si l’occasion se présentait (et pour entrer gratuitement au Salon de La Mort… Mais j’ai pas réussi à trouver le temps d’y aller, finalement.).

      Par contre, pour le don de son corps à la Science, sachant le sens de l’humour très particulier des élèves de fac de médecine, et comment ils traitent parfois leur « matériel », là, je suis moyen chaud… J’aime bien rigoler, mais quand même, j’ai encore un peu trop d’amour propre pour ça. (Et là, pour le deuil des proches, ça doit être bien l’éclate aussi…)

  2. Von Gornov dit :

    Pour compléter mon commentaire précédent où je parlais d’incinération: l’idéal pour moi ce serait incinération + stockage des cendres dans une vraie tombe, pas les HLM à cendres habituels.
    Comme ça t’as tous les avantages.

    En ce qui concerne ce sujet là, je crois que la mort ne fait pas peur. Dans le temps, je pensais qu’une belle mort ce serait de mourir dans son sommeil, aujourd’hui je me dis plutôt que je préfèrerais être conscient: on n’a l’occasion de vivre ça qu’une fois dans sa vie, je voudrais bien savoir comment ça fait.
    Par contre ce qui me fout les boules, c’est le temps qui passe, d’autant qu’il s’accélère de façon vertigineuse et que, d’après les gens plus vieux, ça continue sur cette voie. Et le fait que la mort soit au bout, ce qui fait que la vie sera trop courte quoi qu’il arrive. Je sais pas si la distinction avec la peur de mourir est bien claire.
    Je n’ai pas trouvé l’article déprimant, mais peut-être parce que je pense déjà à peu près la même chose, qu’une fois qu’on est mort, tout est fini et il plus aucune question n’a de sens.

    • Personne dit :

      Je ne sais pas si ça fait « quoi que ce soit » de vivre l’expérience de mourir. J’imagine que ça dépend de la façon dont on meurt. Mais je préfère mourir conscient aussi. Je redoute les surprises, et si je mourrais dans mon sommeil, je n’aurais même pas le plaisir d’en profiter, de la surprise (A moins que je m’endorme en sachant que je ne me réveillerai pas.).
      Et d’ailleurs, j’avoue que j’aimerais bien vivre une « expérience de mort imminente », si c’est aussi bien qu’on le dit. Mais en fait, j’en doute. Ca doit surtout faire une sorte de gros pic d’adrénaline/dopamine ou un grosse chute de tension (d’où l’impression de quitter son corps.) ou quelque chose de comparable à ce qu’on ressent en s’endormant (la sensation de chute). Donc une sensation amusante sur laquelle on peut extrapoler avec un peu d’imagination.

      Quant au temps qui passe, ce qui m’ennuie, c’est moins l’idée d’arriver trop vite à la « fin » que d’arriver à un moment où je ne pourrai plus voir (vraiment), entendre (vraiment), lire, ni faire grand chose… Mais qui me laissera sans doute une (ou plusieurs) bonne(s) dizaine(s) d’années avant la fin. Si à ce moment-là j’ai toujours l’impression d’avoir gâché ma vie, sans plus pouvoir rien rattraper… En fait, je ne suis pas sûr que les dernières années passent si vite que ça… Je connais, moi, des gens bien bien vieux, qui disent être complètement repus, et que ça ne serait pas une mauvaise idée de s’arrêter là.

      En même temps, ça n’est pas si fréquent, de durer si longtemps. En général, on est plutôt pris de court.