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Archives quotidiennes : 01/08/2012 à 23H23
Meuh ? ▼▲
Je crois qu’il est temps de faire un bilan. J’ai la cervelle qui fait des noeuds, et je n’ai pas grand chose à quoi me rattacher. Alors donc bilan. Bilan : Ma vie est proprement merdique. Ou salement merdique. En … Continuer la lecture
Je crois qu’il est temps de faire un bilan. J’ai la cervelle qui fait des noeuds, et je n’ai pas grand chose à quoi me rattacher. Alors donc bilan.
Bilan :
Ma vie est proprement merdique. Ou salement merdique. En tout cas, merdique. Tout autant professionnelle, qu’amoureuse ou sociale. Je méprise mon boulot, je n’ai pas de projet de vie, et je n’arrive plus vraiment à croire aux liens entre individus.
Quand je dis que je n’arrive plus à croire aux liens : Si vous êtes un de mes amis, n’y voyez pas une insulte, hein… J’apprécie certainement beaucoup les échanges que j’ai avec vous. Mais je sais parfaitement que les liens sont illusoires et furtifs. Les autres ne sont que des images pour soi-même. On les modélise, on leur donne une représentation déformée, très éloignée de la réalité. On les aime bien, avec l’image qu’on leur accorde, et on pense qu’ils ont de l’importance, qu’on tient à eux, et tout ça… Mais un jour où l’autre, on s’éloigne, on s’oublie, et les deux individus n’ont plus aucune importance l’un pour l’autre. Que ça soit la « faute » de l’un ou de l’autre, peu importe…. C’est comme ça, c’est illusoire. Les petits mondes propres à chacun sont toujours déconnectés les uns des autres. Ils n’interagissent qu’indirectement, brièvement. Ils sont, en vérité, totalement indépendants les uns des autres. En dehors de soi, rien n’existe vraiment, tout n’est que perçu, sporadiquement. Les liens n’existent pas.
Sans compter que, de toute façon, des liens, j’ai jamais été vraiment capable d’en créer et d’en entretenir, même illusoirement et furtivement.
Je ne crois plus aux liens, et je n’ai pas de projet. Je ne souhaite pas grand chose, je crois que je ne veux rien. Pas même mon bonheur. Pas même réussir ma vie. De toute façon, je ne sais pas ce que ça veut dire, « réussir sa vie ». Je crois surtout qu’on ne réussit sa vie, que quand on réussit à se faire croire qu’on l’a réussie. Mais quand je vois la plupart des « vies réussies », j’éprouve de la pitié. Je trouve les humains vraiment médiocres et limités, tous autant qu’ils sont, même les génies, mêmes des gens maintes fois plus intelligents que moi. J’ai l’impression qu’ils perdent tous ou ont tous perdu leur temps, et qu’il n’y a aucun moyen d’y échapper. J’ai l’impression qu’il faut juste faire preuve d’une infinie prétention ou d’une infinie naïveté pour croire l’inverse.
Et je ne souhaite pas mon bonheur, parce que mon bonheur, comparé à l’horreur incommensurable que vivent la majorité des êtres sensibles, serait totalement insignifiant. La majorité des êtres sensibles meurt effroyablement tôt. La majorité des êtres sensibles (humains ou non humains) connaît des souffrances que je ne serai probablement jamais capable d’imaginer. (Mais ne crions pas victoire trop tôt, il peut encore m’arriver pas mal de surprises… Ma mort se fera peut-être dans une souffrance intense, sait-on jamais.)
Bon… Dessiner, et même écrire des conneries, c’était bien, ça n’avait pas besoin de justification, ça faisait un petit univers qui se suffisait à lui-même. Ça me plaisait bien. Mais j’ai plus d’idées, je suis un effroyable flemmard, je n’arrive pas à maintenir une motivation constante qui me permettrait de progresser.
Et avec mes noeuds dans la tête qui ne cessent de progresser, ça ne va pas en s’arrangeant.
Bref, je crois que je ne veux rien.
La question que je me suis donc posée, c’est : Si je ne VEUX rien, est-ce que, pourtant, je DOIS quelque chose ?
Si je DOIS quelque chose, la question, c’est qu’est-ce qu’on peut « devoir » ? Qu’est-ce qui est de nature à être nécessaire par soi-même ? Dans l’absolu, rien n’est nécessaire. Les choses ne sont nécessaires que pour atteindre un but. Et dans l’absolu, le temps s’écoule toujours, un but n’est que passager, et il viendra même un jour où le monde s’éteindra…
Et pourtant, il peut exister quelque chose qui soit un but en soi, qui soit nécessaire de par soi-même. Et cette chose nécessaire, ce but, ce devoir, ça ne peut être que de nature éthique. Si on accepte qu’il y ait un but qui surpasse tout, ça doit être éthique. (Du moins, si mon égoïsme n’a plus aucune importance. Egoïsme que j’ai réfuté un peu plus haut. Donc pour moi, il ne doit bien rester que l’éthique.)
Bref… Je me suis dit, puisque je ne veux rien, puisqu’il faut que je sache ce que je dois faire de ma vie, que ce soit la détruire ou la poursuivre, par exemple, alors ce que je dois faire de ma vie, peut-être, c’est de l’optimiser éthiquement. C’est bien sûr tout à fait compliqué. Infiniment compliqué. Je ne sais pas, et je ne saurai probablement jamais comment l’optimiser totalement, parce que mon intelligence est limitée. Et il faut bien avouer que mon tempérament, ma personnalité fuyante est déjà un lourd handicap pour optimiser cette vie (que ça soit éthiquement, et même égoïstement si c’était ce que j’avais choisi). Mais ce que je peux voir, c’est qu’il y a déjà un puits de souffrances et de morts tout à fait futile, dispensable, et qui me semble relativement facile à réduire : L’élevage des animaux exploités par l’homme. Je suis capable de communiquer avec les hommes, je dois donc être capable d’en convaincre une partie d’arrêter de torturer et tuer inutilement, avec quelques arguments rationnels simples. Espérons. J’en doute encore, bien sûr, étant donné mon handicap relationnel. Mais si je n’essaie pas, alors je suis sûr de ne pas réussir. Donc il faut que j’essaie. Même si je n’y ai jamais trop cru, et même s’il est possible qu’un jour, je me mette à être à nouveau convaincu que j’en suis incapable. Pour le moment, je dois essayer.
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Mais trève de blabla :
Dans cette optique, depuis plusieurs mois, je lis des tas de choses sur la condition animale, le carnisme, le végétarisme, le végétalisme, le véganisme, la végéphobie, l’antispécisme, etc. dans le but d’amasser un maximum d’informations pour argumenter (principalement via internet pour le moment), et transmettre ces informations, et faire évoluer les mentalités. Je crois énormément à l’effet internet, sa vitesse de propagation sans commune mesure des informations, son effet catalyseur dans l’évolution fulgurante des idées, des mèmes sociétaux. (Je sais pas si ma phrase est très claire ou juste pompeuse, mais vous voyez l’idée…) Les idées se font leur propre chemin, sans pouvoir être contrôlées par un émetteur central. Elles sont traitées et retransmises par tous. C’est l’intelligence collective qui les fait évoluer. Je crois vraiment qu’internet peut tout changer, et casser le système de « traditions et habitudes » carnistes qui jusqu’alors se maintenait uniquement parce que les voix demandeuses de justice, qui s’y opposaient, étaient isolées et donc inaudibles.
Donc je me renseigne. Je lis. Et je regarde des vidéos, parfois. Je ne l’avais jamais fait, je me suis forcé à le faire, et ça m’a permis de comprendre pas mal de choses. Ça m’a permis de comprendre que l’image donne un peu de réalité à ce qui n’est qu’abstraction. Ça m’a permis de comprendre que le « chemin du végétarisme », ça n’est pas qu’une simple prise de conscience entre « Je dois/je peux manger de la viande. » et « Je dois arrêter de tuer inutilement, parce que je PEUX arrêter. », mais plutôt une infinité de niveaux de prises de consciences qui se succèdent. Et qui régressent un peu, parfois, avant de repartir. Prendre conscience de la réalité de l’impact de ses actes, impacts et actes qui sont multiples, et de… d’un entrelacs sans fin de réflexions autour de ce problème. En un sens, c’est infiniment passionnant.
J’ai lu tout le blog de l’Elfe, qui est généralement passionnant, mais qui m’a surtout permis de comprendre qu’on peut être végétarien (végétalien/végane) et intelligent, qu’il n’y a donc pas à en avoir vaguement honte, et surtout que le traitement qu’on fait subir aux animaux exploités est objectivement mauvais et injuste. Qu’il faut donc le faire cesser.
J’ai découvert L’AVF, qui est l’Association Végétarienne de France, qui fait donc la promotion du végétarisme en France, comme le souhaite au plus profond de lui-même n’importe quel végétarien normalement constitué… non pas pour gagner des sous, parce que s’il s’agissait de gagner des sous, y a des moyens infiniment plus simples que de faire la promotion du végétarisme, surtout en France… ni même pour diriger une secte, parce que c’est pas en faisant publiquement la promotion d’une pratique alimentaire simple, que n’importe qui peut pratiquer chez lui par lui-même, sans rien acheter, sans jamais rencontrer personne d’autre qui la pratique, qu’on réussit à former une secte et profiter du pouvoir que ça procure. (Non, pour monter une secte, il faut quand même savoir définir ce qu’on veut vendre, à qui, le nombre de membres qu’on veut diriger, les idées tordues qu’on veut répandre, les congrès qu’on veut organiser, la ou les communauté(s) fermée(s) qu’ont veut gérer. Bref, pour former un secte, on ne laisse pas les membres vaquer librement à leurs occupations dans le monde, sans jamais rien leur demander, en leur demandant juste d’arrêter de manger des animaux, s’il vous plaît, parce que c’est méchant….)… Non, l’Association Végétarienne de France ne fait la promotion du végétarisme que pour une seule raison : Parce que c’est bien, et parce que c’est juste, et parce que les animaux n’ont pas demandé à être tués et torturés. L’AVF vous donnera évidemment plusieurs autres arguments agréables (humanitaire, santé, environnement) qui sont vrais aussi et qui ne gâchent rien, mais au fond, on sait bien, une fois qu’on accepte de l’entendre, que le critère primordial, c’est essentiellement qu’on n’a pas besoin de torturer et tuer pour se nourrir.
J’ai découvert L214, qui est une association incroyablement couillue (ou « gonadée » si l’on préfère une expression moins sexiste) et intelligente. Intelligente dans sa stratégie. Couillue dans le fait que ses militants, profondément convaincus que torturer et tuer des animaux non humains est un mal, et qui ne peuvent donc rester insensibles devant la souffrance animale, des militants au moins végétariens (mais très probablement tous véganes), osent affronter directement les situations de tortures animales là où elles sont, c’est-à-dire partout, mais à l’abri du regard des « consommateurs », pour en témoigner, en tirer des images, des vidéos, des études, des compilations exhaustives d’informations réelles sur ce qui se pratique, ce qui existe aujourd’hui, principalement en France. Pour le moment, c’est l’association Française qui me convainc le plus. (Même si je tire aussi mon chapeau à toutes les autres.)
J’ai découvert les Cahiers Antispécistes, dont j’ai découvert progressivement quelques articles, puis commandé quelques numéros… puis commandé l’intégralité des 35 numéros parus depuis 1991. Pour le moment, j’en ai lu un tiers (le début et la fin). C’est complet, c’est diversifié, c’est rationnel, c’est cohérent, c’est intelligent. C’est écrit par des gens, par exemple, diplômés de l’Ecole Normale Supérieure, ou diplômés de tas d’autres choses. Des gens cultivés et gravement intelligents, en tout cas. On y trouvera souvent des références et traductions de sociologues, ou de philosophes anglo-saxons précurseurs célèbres de l’Ethique Animale, tels Peter Singer et Tom Regan. (La philosophie morale, une discipline à peu près inconnue en France… Même avec 20 ans de retard…)
Pour résumer rapidement : Le spécisme, un mot inconnu qui fait peur, c’est le fait de considérer arbitrairement que l’espèce est en soi un critère suffisant pour discriminer des individus par rapport aux autres. L’antispécisme, c’est le fait de combattre cette vision du monde, et de déclarer que le critère arbitraire de l’espèce ne justifie rien. Les philosophes antispécistes proposent aux contraires plusieurs théories, variées, qui dépassent le critère de l’espèce sans pour autant aboutir chacune aux mêmes conclusions.
Peter Singer, par exemple, probablement le plus connu d’entre eux, propose une Théorie Utilitariste des choses, qui consiste à dire que ce qui définit l’éthique, c’est le respect des intérêts de chaque individu, sachant que les intérêts varient immanquablement selon chaque individu, un ours n’ayant pas les mêmes intérêts qu’une poule ou qu’un homme… mais sachant aussi que tous les êtres sentients (capables de ressentir des sensations, la souffrance, le plaisir…) ont un intérêt à ne pas souffrir, et donc que le plaisir de manger un animal vertébré (forcément sentient) ne peut pas justifier la souffrance infligée à cet animal, d’autant plus qu’après une frustration passagère, ce plaisir gustatif peut être entièrement remplacé par le plaisir de manger des plats à base de végétaux.
Tom Regan, quant à lui, avec sa Théorie des Droits, considère que les intérêts ne sont pas suffisants pour définir l’éthique, et propose de considérer que chaque vie doit avoir une valeur en elle-même, qui lui offre des droits. On ne pourra donc pas considérer qu’un seul individu a le droit (que c’est juste) de tuer un autre individu pour récupérer le total de plaisirs du premier et l’ajouter au sien. Un individu avec une certaine somme de plaisir, n’est pas simplement l’équivalent de deux individus se partageant la moitié de plaisir chacun. Chacun a des droits.
Quoi qu’il en soit, peu importe la théorie et la direction que prennent les réflexions des philosophes antispécistes, tous commencent toujours par la première conclusion pratique évidente : Il n’est pas juste/moral de manger d’autres animaux si on peut s’en passer.
(Je pourrais encore développer pour mes lecteurs qui ne comprendraient pas encore en quoi consiste l’antispécisme, en leur expliquant que l’intelligence supposée des humains n’est pas non plus un critère suffisant pour justifier la discrimination envers les autres animaux, en prenant le cas particuliers des nourrissons et des handicapés mentaux profonds, que la conscience de soi ne l’est pas non plus, pour les mêmes raisons, ainsi que par le fait que les études en éthologie tendent de plus en plus à prouver que nombreux sont les animaux -porcs compris- à posséder la conscience de soi, et que la conscience de soi n’est de toute façon pas quelque chose de parfaitement défini, et aussi binaire, carré, délimité, que le suppose de manière simpliste la vision spéciste… mais si vous voulez en savoir plus lisez donc les Cahiers, ou même les philosophes et études d’éthologie directement à la source…)
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Hého, on a dit qu’on arrêtait le blabla :
Quand je me suis inscrit comme membre donateur à L214 (ou quand j’ai commandé l’intégrale des Cahiers, je ne sais plus), j’ai reçu une publicité pour les Estivales de la Question Animale. Et puis j’ai un peu fouillé sur le site.
Plus tard, en vagabondant sur des forums végés, j’ai à nouveau reçu un pub pour les Estivales.
Ensuite, via Facebook, j’ai vu la page des Estivales.
(Ceci est l’avatar des Estivales sur Facebook, et c’est sacrément bath.)
Au bout d’un long moment de réflexion, j’ai fini par poser des vacances à cette période, et me dire que j’allais envoyer chier pendant quelques jours ma végéphobie toujours latente et surtout ma phobie sociale incurable, et m’y rendre, à ces Estivales, ne serait-ce que pour voir en quoi ça consiste.
(Une vache qui pose une question, ça fait « Meuh ? », c’est donc une question animale, c’est pour ça, c’est très drôle, d’où le titre de cet article. C’est fin, c’est subtil. Applaudissements.)
Les Estivales de La Question Animale, ça existe depuis dix ans. Ça consiste en une semaine complète de conférences de philosophie, éthologie, sociologie et autres, sur le sujet donc, des animaux, du rapport des hommes aux animaux, et de la place des animaux dans la société. Symboliquement, philosophiquement, c’est ouvert à n’importe qui s’intéressant à la question. Je trouve ça normal et intelligent, et rassurant. Donc un éleveur, un chasseur, un boucher, s’ils s’intéressent à la question, auraient le droit d’y assister. Je crois que c’est arrivé quelques rares fois. En tout cas, il n’y a pas que des végétariens à y assister.
Maintenant, forcément, je m’attendais bien à y rencontrer une majorité de végétariens, une bonne partie de militants de la cause animale, et dans le tas, pas mal de véganes. (Ah oui, au cas où vous ne le sauriez pas, je précise qu’un végane, c’est un végétalien qui s’efforce autant que possible de ne pas exploiter non plus les animaux en dehors de l’alimentation, par exemple en évitant le cuir, la laine, les produits testés sur les animaux, et diverses choses… Mais je ne vais pas m’étendre. Ça n’est, en tout cas, pas si contraignant qu’on se le fantasme. Les véganes peuvent avoir un métier, une maison, une voiture et un ordinateur, comme « tout le monde ». Le but véritable du végane, c’est une transformation en profondeur de la société, bien avant la recherche de perfection personnelle.)
Mais en fait, je crois que je ne m’attendais pas à rencontrer 95% de militants, 95% de véganes et 95% d’antispécistes. Ce qui ne me dérangeait pas vraiment au fond, puisque je crois que je suis globalement végane (d’autant que le végane absolu n’existe pas), que j’ai probablement toujours été plus ou moins antispéciste (puisque depuis tout môme, j’ai presque toujours -et en tout cas de plus en plus- fait attention à ne pas tuer, autant que possible, les petites bêtes, et que si je n’ai mangé des animaux jusqu’à mes 18 ans, ça n’est que parce que j’avais le sentiment de ne pas avoir le choix, que si je n’ai abandonné le lait et les oeufs que récemment, c’est probablement pour la même raison… et qu’en fait, je n’ai jamais eu, je crois, de mépris envers les végétariens, ni vraiment les végétaliens, bien que j’aie, comme tout le monde, baigné dans l’idée propagée par la société et mes proches qu’il s’agissait de fous et de sectes… En ce qui me concerne, la seule question que je me posais sur le sujet, c’était : Est-ce oui ou non, physiquement possible ?).
Bref, j’étais presque dans mon élément, si ce n’est, bien sûr, que je suis phobique social, et que je n’ai donc jamais milité concrètement, en face à face avec des inconnus. Et que donc, je ne faisais pas partie des 95% de militants. Et que j’en suis encore, toujours, à me demander, si le militantisme, la distribution de tract, le contact avec les passants… si tout ça, c’est bien efficace, si ça sert à quelque chose, s’il n’y aurait pas une stratégie plus intelligente, rapide, rentable, productive… et si, en fait, je ne suis pas tout simplement trop lâche pour juste affronter la peur du ridicule, de l’incompréhension, de m’impliquer, de me fatiguer, de m’organiser, dans un but pourtant tout à fait louable : Tenter de mettre fin à la souffrance et de rendre justice aux animaux non humains… Si ça n’est pas, comme d’habitude, ma lâcheté et ma phobie sociale qui m’offrent sur un plateau tous les arguments invérifiables pour ne pas m’impliquer.
Durant cette semaine, donc, j’ai assisté à 9 conférences/débats, dont 4 au moins étaient tout à fait passionnantes, le reste étant en tout cas très intéressant, ne serait-ce que parce que je savais exactement pourquoi j’étais là, que toute information sur le sujet est bonne à prendre, et parce que, aussi, les débats avaient toujours quelque chose à apporter. Plus j’en saurai, et plus j’aurai d’outils et de matières pour agir.
Durant cette semaine, j’ai surtout rencontré des gens admirables. Des gens qui croient ce qu’ils font. Et ce qu’ils font, c’est consacrer leur vie à essayer de changer le monde, en mieux. Une bonne partie de leur vie, en tout cas. J’ai vu des véganes qui le sont devenus comme ça, tout jeunes, ados, en claquant des doigts, en se révoltant, sans trop savoir forcément ce qu’ils faisaient (au début) mais en refusant de continuer à tuer d’autres animaux. Personnellement, ado, j’ai pas eu ce courage, cette abnégation. J’ai vu des gens qui ont considéré que le combat contre cette injustice valait le coup de sacrifier leur vie sociale, d’accepter le conflit avec leurs proches, et de perdre, parfois, justement, les liens avec leurs proches. J’ai vu des gens touchants et sensibles. Je ne dis pas qu’on a besoin d’être touchant et sensible pour être végétarien/végétalien/végane, je dis que ceux-là, des militants presque innés, certains d’entre eux en tout cas, l’étaient. J’ai aussi vu des gens « drogués » au militantisme : anti-spécisme mais aussi anti-sexisme, anti-pub, anti-homophobie, anti-nucléaire… des gens dont le militantisme est la passion; mais des gens qui y consacrent toutes leurs ressources, leur temps, qui mettent aussi parfois leur santé en danger pour leurs luttes, et qui y ont visiblement consacré plusieurs années de leur vie (Combien ?…). J’ai vu des gens de tous âges (de 4 ans à 70 ? 80 ans ?), de toutes classes sociales (punks, profs, avocats, ingénieurs, étudiants, chômeurs, laborantins…). Même si en moyenne, beaucoup de jeunes, faut bien avouer. Et tous dans une espèce d’alchimie sociale totalement hors norme, décontractée, paisible, aimable. On mangeait végane tous les jours, à tous les repas, pas besoin d’angoisser. On avait notre dose de B12. Y avait pas de chefs, beaucoup d’autogestion. On était bien. Moi, le phobique social, j’ai discuté avec des gens, des inconnus. J’ai beaucoup écouté, mais j’ai aussi discuté. Pas beaucoup, mais un peu, et c’est déjà énorme.
Je ne dis pas que je me sentais parfaitement dans mon élément. Je ne me sentirai jamais dans mon élement, nulle part. Je suis phobique social, ça fait partie de moi. J’ai peur des gens. Je ne peux jamais faire totalement confiance. Et si je suis dans un groupe relativement homogène sur un aspect, j’aurai toujours besoin de me différencier de cet aspect. Et donc, là, oui, bizarrement, j’avais la sensation confuse, parfois, de ne pas faire partie du groupe, de me dire qu’ils croyaient trop en leur cause, que je ne saurais jamais m’y consacrer autant qu’eux, même si je devrais, je crois. J’avais à la fois peur et honte, parfois. J’ai donc eu besoin, à cette occasion, de remettre en question quelque chose en quoi je crois depuis tout petit, pour me sentir différent, paradoxalement. (Et aussi, il faut bien le dire, j’ai toujours besoin, tout le temps, de tout remettre en doute, de me demander « Et si je me gourais complètement ? ». Donc oui, continuellement, malgré tout ce que je lis, compulse, additionne et conjugue, je n’abandonne jamais complètement l’idée « Et si je me gourais complètement ? » pour chacun des points qu’implique le véganisme. « Et si le végétalisme n’était pas viable ? », « Et si je faisais plus de mal que de bien ? »… Mais c’est sans doute ce besoin et cette aptitude à ne jamais écarter la remise en question, dans n’importe quel sens, qui font que je serai toujours infiniment plus honnête et cohérent que n’importe quel carniste.)
Mais dans l’ensemble, je dois quand même dire que je m’y suis senti bien, que j’ai eu l’impression d’être parti un mois, et que j’aurais voulu que ça dure six mois de plus, et que ça m’a fait un gros pincement au coeur, de partir, de devoir partir, et de ne pas savoir comment partir. Et donc de partir en coup de vent.
Ces gens-là, je crois en eux, et je les admire.
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Un truc en apparté
Au cours des Estivales, je me suis rendu compte que David Olivier avait une vision très Singerienne de l’éthique au sens où il n’accorde d’importance qu’à la souffrance, mais pas vraiment à la vie en elle-même, et qu’en fait, le texte La personne et le tunnel de verre l’avait visiblement beaucoup marqué dans sa façon de penser. Je viens de me rendre compte que c’est normal que ça l’ait marqué, puisque c’est lui qui l’a écrit. En fait, je dirais même que sa vision des choses rejoint de banales constatations purement matérielles, un peu à la façon de Douglas Hoffstader (dont j’ai encore le bouquin, que je n’ai toujours pas lu…), comme quoi, finalement « l’essence de soi », ça n’existe pas.
(Note : Tout cet aparté va faire référence à des trucs que j’ai déjà dit des tas de fois, par exemple dans mes verbiages 1, 2 et 3, voire aux liens en commentaires de « J’ai Pas de Titre » que je n’ai pas compris parce que c’est trop compliqué pour moi.)
En gros, il part du fait que le monde est logique et matériel, que la continuité de l’individu ne peut pas être démontrée (elle s’observe seulement de proche en proche), et qu’il serait même possible de faire croire à un individu qui vient de naître qu’il a toujours été, tandis qu’on ferait disparaître auparavant l’individu dont il aurait les souvenirs, pour en déduire que, puisqu’on ne peut pas démontrer l’existence de l’unité individuelle, et que l’individu lui-même n’est pas capable de se la démontrer, alors elle n’existe pas.
Passons le fait que ça revient simplement à retomber sur toutes les questions que tout le monde se pose à peu près vers l’adolescence (plus ou moins quelques années), et auxquelles personne n’a jamais trouvé de réponse…
Sauf que moi, je vois énormément de raccourcis, et donc de failles, dans sa réflexion :
1) Il pose que la réalité est forcément logique.
Mais quelle démonstration parfaitement logique pourra me démontrer que toute démonstration parfaitement logique est forcément vraie ?
2) Il pose qu’on peut décider que certaines choses « existent » ou « n’existent pas », sans que soi-même, on soit pour autant obligé d’exister.
A partir de quels concepts peut-on définir le concept « exister » si on ne pose pas d’abord que c’est tout simplement « moi » qui suis la définition de « exister » ?
3) Il cherche à décomposer ce qui est « soi », par la personnalité, les souvenirs, la sentience, etc.
Pour étudier et décomposer « soi », on utilise quel outil ?… Soi. Pour étudier « soi », on utilise forcément « soi » comme outil d’analyse de base. Soi qui s’étudie soi pour savoir ce qu’est soi… On risque d’y passer quelques éternités avant d’arriver à un résultat…
4) Il parle du remplacement progressif de chaque atome du corps au cours de la vie. Mais il ne précise pas si la totalité des neurones sont vraiment tous remplacés au cours de la vie. Il pourrait suffire qu’un seul neurone subsiste toute la vie pour qu’on puisse admettre d’y loger « rationnellement » une âme, une individualité continue.
5) Il pose une expérience de pensée tout à fait théorique qui ne pourra jamais être réalisée. Il utilise l’exemple de la téléportation pour conclure que, puisqu’on ne serait pas capable de dire s’il s’agit d’une mort suivie d’une naissance, ou plutôt d’une continuation du même individu, et puisque personne, aucun observateur, pas même celui (ou ceux) directement impliqué(s) ne pourrait le démontrer, alors la continuité n’existe pas. Or, ça prouve seulement que c’est impossible à observer, détecter, mesurer et prouver. Ça ne prouve absolument pas que ça n’existe pas. (Sinon, il peut aussi se permettre de démontrer de la même manière que le monde n’existe pas quand il ferme les yeux.) Ma conviction d’être et de ne pas avoir cessé d’être moi est profonde, essentielle, impossible à remettre en question, mais aussi impossible à démontrer par un syllogisme, certes. Mais son expérience théorique ne démontre pas pour autant que cette conviction est fausse.
6) Ayant considéré qu’il a brillamment démontré que l’identité/l’individu n’existe pas, alors ça signifie que tout ressenti se vaut, tous sont équivalents et s’entrecroisent, indépendamment des individus. Pourtant, je suis désolé de le dire, mais cette idée ne correspond à rien. Je n’ai encore jamais de ma vie pu entrer dans autre chose que ma propre tête, pu accéder à autre chose que mes propres souvenirs (même si estompés par le temps).
7) Il oublie tout simplement qu’il n’est pas possible de supposer des ressentis, sensations, idées, etc. sans supposer un observateur pour les vivre. Il ne pense pas aux qualias. -Un terme bien pratique que j’ai découvert récemment pour désigner cette représentation interne qui n’a aucun lien concret avec la réalité extérieure-. Les dimensions visuelles, auditives, etc. sont des choses entièrement créées par le cerveau, uniquement observées par l’observateur « soi ». Elles n’ont rien de matériel, rien de quantifiable, de mesurable scientifiquement, mais elles existent pourtant et il est impossible de remettre leur existence en question. Et si elles existent, alors il faut qu’elles soient vécues par un observateur, qui doit exister lui aussi.
Il ne pense pas non plus au fait que le sens des informations ne prend de sens que s’il y a un observateur final, un soi, pour les comprendre, comme dans la chambre chinoise.
Il n’a pas compris que toute réflexion sur le soi est forcément source d’une infinité de paradoxes absurdes, comme je l’ai expliqué plus haut, puisque le soi est le postulat primordial indémontrable nécessaire à toute réflexion.
Et malheureusement, il finit en faisant l’erreur de croire que sa théorie ouvre une nouvelle réflexion vers une meilleure empathie entre tous les êtres vivants, alors qu’elle ne fait que nier la réalité des êtres vivants (sentients, « étants »). S’il était tout à fait honnête, d’après sa théorie, la mort n’aurait plus d’importance, pas plus que la vie, et les sensations ne seraient plus que des choses ponctuelles, instantanées et flottantes, indépendantes de tout, sans lien avec aucun individu, puisque les individus n’existeraient pas. Selon sa théorie, la souffrance et le plaisir ne seraient plus que des choses évanescentes dont on peut tout simplement se foutre royalement sans aucun remord. Selon sa théorie, rien n’a d’importance. Sa théorie ne devrait donc pas du tout du tout lui permettre de conclure que le véganisme, l’antispécisme, l’éthique et la justice envers tous les être sentients soient des choses nécessaires, mais plutôt que bien et mal n’existent pas, que tout est chaos, et que la mort et la souffrance, même de soi-même (qui n’existe pas) sont inintéressantes, indifférentes.
Alors qu’au contraire, ce qui permet de croire au respect d’autrui, à la justice, à l’antispécisme, c’est bien de comprendre que je suis, que je suis moi, que ma vie et ma souffrance ont de l’importance parce que je suis moi, et que la probabilité que les autres individus (dotés d’un cerveau ou d’un système nerveux centralisé) « soient » également me semble suffisamment grande pour admettre que je leur dois autant de considération que j’en porte à moi-même (du moins autant que je puisse leur en donner sans mourir ou devenir fou).
Son erreur, c’est tout simplement d’avoir fait preuve, comme presque (presque ?) tous les êtres humains, d’une infinie prétention en croyant que l’intellect, la raison (ou même toute autre forme de croyance ou réflexion humaines) est capable de tout analyser avec une acuité parfaite.
Malheureusement, la « raison » (ou l’esprit humain) n’est qu’un tout petit détail de « tout », elle est un élément de « tout » et non l’inverse¹. C’est la bouche du crocodile qui veut manger le crocodile entier.
(¹ à moins d’admettre le solipsisme. Le solipsisme pourrait effectivement être une réponse tout à fait logique. Je serais inconsciemment le créateur de tout, mon esprit -dont sa part inconsciente- SERAIT tout, donc il pourrait savoir et comprendre tout… Mais jusqu’à présent, tous mes efforts répétés pour effacer l’univers ont échoué. Donc je vais continuer à supposer que le monde existe en dehors de moi.)
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T’as pas bientôt fini, non ?
Et donc, et donc… Malgré tout, avec toutes ces réflexions et ressentis qui m’ont complètement tourneboulé la tête (comme d’habitude, peut-être), j’en suis arrivé à des conclusions qui limitent en quelque sorte la théorie de l’antispécisme. (Je dis « arrivé à des conclusions », pour simplifier. Mais ce sont probablement des pensées qui sont en moi depuis bien longtemps. Disons que je les ai plus clairement formulées et résumées.)
D’abord, qu’on soit bien clairs, je suis végé et rien ne me fera jamais changer ça. Je n’ai aucune raison de tuer pour manger. Je doute parfois, souvent, de tout, de la réalité du monde et de la possibilité objective du bien et du mal, OK… mais au pire, rester végé, ça ne fait ni bien ni mal, et au mieux, ça évite de causer de grands maux. Donc je resterai toujours végé. Si j’abandonnais ça, je crois que j’abandonnerais aussi toute autre forme d’éthique. Si l’éthique n’existe pas, il ne reste plus que l’égoïsme absolu.
Bref… Ce que je voulais dire, c’est que malgré tout, l’antispécisme (et les théories antispécistes) a (ont) des limites. Pas des limites rationnelles, de cohérence de raisonnement. Tenir compte des intérêts des individus, de leur sentience, admettre qu’on ne peut pas être sûr que tous les animaux ont une sentience, poser qu’il est infiniment peu probable que les plantes en ait une, mais sait-on jamais… Tout ça, c’est correct, ça se tient. Et en déduire que la première conséquence pratique à faire, c’est d’arrêter de manger les animaux quand ça ne met pas notre vie en danger, c’est correct aussi.
C’est correct aussi de dire que si l’abolition de la viande se faisait, et même l’abolition de toute exploitation animale (volontaire) on pourrait peut-être se mettre à penser à d’autres applications pour généraliser le respect des individus. On pourrait donner des droits aux animaux sauvages, chercher à en sauver un maximum, transformer, si on en trouve le moyen, les animaux prédateurs, pour que les espèces cohabitent sans heurts… ou peut-être tout simplement, qu’on n’n serait pas capables, que ça ne serait physiquement pas possible, mais que l’essentiel, c’est d’être capable d’y penser et de réduire au mieux la souffrance sur Terre… Et on peut même dire qu’en fait, toutes ces questions n’ont pas encore de réponse, mais que ça n’est pas l’objectif d’aujourd’hui d’y répondre. Et que l’objectif d’aujourd’hui, c’est simplement de faire comprendre à tous les humains que l’antispécisme est une nécessité.
Tout ça reste parfaitement cohérent.
Mais la limite, la vraie limite de tout ça, elle est psychologique. Et elle se pose de manière évidente pour les insectes et autres petits arthropodes. Les insectes, quand on discute avec un anti-spéciste, on se rend bien compte que de temps à autre, il en tient compte. Les antispécistes ne marchent pas volontairement sur les insectes. Ils évitent de les écraser. Ils ne raffolent pas des insecticides. Ils théorisent sur leur probable sentience. Moi-même, depuis très jeune, depuis que je me suis mis à attraper les sauterelles dans mes mains pour leur parler, en essayant de ne pas les blesser, j’ai fait attention aux insectes. En tout cas, de plus en plus. J’ai dû arrêter vers l’adolescence de tuer les petits arthropodes qui me faisaient peur (guêpes et araignées, par exemple).
Bref, les antispécistes tiennent compte des insectes. Et ils ont probablement raison, parce que les insectes sont vifs, s’adaptent aux situations, ont des sens exacerbés, communiquent entre eux, sont extrêmement complexes. Même si leur esprit est certainement très lointain des mammifères et autres vertébrés, les insectes ressentent très probablement la douleur, ont une forme de raisonnement. Très probablement, ils sont « sentients » et donc ils « sont ».
On pourrait relativiser sur la valeur de la vie des insectes de par leur longévité.
La longévité, c’est d’ailleurs un point qui est rarement abordé pour déterminer la valeur de la vie des animaux, mais c’est pourtant à moi un point qui me semble essentiel. Si une vie a de la valeur en soi au delà de la souffrance (par la théorie des Droits, ou par ma point de vue que j’ai expliqué plus haut, par exemple)… et si la valeur de cette vie est d’ailleurs, virtuellement infinie, puisque quiconque existe ne perçoit le monde qu’à travers sa propre vie. (Pour tout être sentient, sa propre vie est la chose la plus importante qui soit, sa propre vie, c’est l’univers.)… si la valeur de cette vie est infinie, elle est pourtant, aussi, délimitée par son espérance de vie, la durée qu’elle peut encore espérer.
J’explique : La vie est d’une valeur infinie, et donc la mort est le mal absolu, la peur ultime. Soit.
Mais parfois, la mort se présente comme inéluctable, imminente, et l’individu n’a alors plus d’autre chose que de l’admettre, cette mort qui s’approche. Et alors la mort ne devient plus un mal absolu, juste un point du temps qui limite la vie, et limite donc cette valeur de la vie. La vie possède donc aussi, paradoxalement, une valeur quantifiable de par sa longévité.
La mort d’un enfant est plus grave que la mort d’un vieillard. L’enfant pouvait espérer profiter plus longtemps de sa vie. Le vieillard a déjà vécu. Tuer un jeune animal est plus grave que tuer un vieil animal mourant. On ôte à l’un de très longues années de vie qu’il aurait pu apprécier, mais seulement quelques mois à l’autre.
(Note : Malgré ce problème de longévité, je n’entre pas dans un débat sur l’avortement, qui fait entrer d’autres facteurs à prendre en compte.)
La longévité est importante. Et on peut se rassurer en se disant que les insectes, arthropodes, et autres petits animaux ont une très courte espérance de vie. Mais ça n’est pas toujours le cas. Certains ne peuvent vivre que quelques jours, ou quelques semaines, mais d’autres plusieurs années. Et ils sont vraisemblablement sentients.
C’est donc un dilemme, un grave dilemme. Leur mort est un drame, mais… ils sont petits, trop petits, nombreux, trop nombreux… Notre capacité d’empathie et d’attention envers eux, même avec une vraie considération antispéciste rationnelle, et même sincère quand on observe de près l’un d’entre eux, ne peut être que proportionnelle à leur taille, et inversement proportionnelle à la distance qui nous en sépare ainsi qu’à leur nombre. On utilise des transports motorisés sans pour autant pleurer, malgré le nombre d’insectes qu’on tue à chaque voyage. Plus on en tue, moins c’est grave. Plus ils sont petits, moins c’est grave. Plus ils sont loin des yeux, et moins c’est grave.
Alors que c’est toujours aussi grave, mais le cerveau ne peut pas assimiler de telles informations, il en est incapable. L’intégrer serait un suicide mental.
Et c’est un point tellement tendu, tellement difficile à comprendre, que si on le garde trop à l’esprit, on peut se mettre à relativiser sur la valeur de la vie et de la souffrance des vertébrés. La sentience des gros animaux est plus probable, évidente. L’empathie est flagrante… Mais quoi ? Et si les deux sont réels ?…
(Ces trois derniers mois, j’ai écrasé au moins six gastéropodes, en marchant dessus par inattention. Je trouve ça sincèrement atroce. Je ne sais pas si j’ai marché sur des fourmis. Je ne sais pas combien ma voiture a tué d’insectes.)
Et pourtant, malgré la souffrance et la mort inquantifiable des tout petits animaux, ça n’enlève pas qu’en évitant de torturer les gros, on diminue globalement la souffrance et la mort sur Terre. Ça n’enlève pas qu’en refusant de tenir compte de la souffrance et de la vie des gros animaux, on rabaisse à rien l’éthique, quelle qu’elle soit, envers les hommes ou envers les autres animaux, parce que la confrontation directe avec la valeur de la vie d’un vertébré est toujours totalement évidente, flagrante, aussi forte que face à un humain, tellement forte qu’on n’a pas le droit de se permettre de l’ignorer. A moins de décider de choisir comme philosophie de vie l’égoïsme absolu.
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Allez, on va conclure ?
Je vais conclure en disant que cette semaine des Estivales de la Question Animale, que je ne regrette pas du tout d’avoir vécue, et qui, j’espère, aura énormément de conséquences sur ma vie, m’a permis de rencontrer des gens que je crois formidables, qui sortent de la norme, d’un système social de pensée basé sur une idée fondamentalement injuste, et qui met en relief des tas de processus psychologiques fascinants…
Il y a bien sûr toutes les formes de folies carnistes, dont je parle beaucoup (et dont je parlerai encore), qui servent à justifier et accepter de perpétuer une situation que tout le monde, j’en suis certain, ressent comme absurde ne serait-ce qu’au niveau inconscient. Il y a le fait que ces processus mentaux fonctionnent par couches de déni. Oui, des couches. Pas une simple forme de déni, mais des couches de dénis, qu’on élimine petit à petit, face à une quantité monstrueuse d’informations, désinformations et croyances. Des formes de dénis et des niveaux de prise de conscience, un enchevêtrement dont on ne sort jamais totalement, qu’on soit omnivore, flexitarien, végétarien, végétalien, végane… La prise de conscience totale, le destruction totale du déni, ce serait tout simplement de ressentir pleinement et constamment toute la souffrance du monde, mourir des milliards de milliards de fois, et comprendre de manière absolue l’impact réel de tous nos actes, et donc d’agir toujours au mieux de ce qui peut être… Ce serait être dieu. Mais on ne peut que nager, en faisant autant d’efforts qu’on peut, en acceptant de prendre conscience d’un maximum de choses du monde qui nous entoure, de nos limites, et des horreurs inconscientes qui font aussi parti de nous, pour agir à peu près au mieux.
Passer au végétarisme ou même végétalisme, c’est pas compliqué, intellectuellement. Ce qui est compliqué, c’est de vivre dans une société qui refuse de comprendre cette évidence éthique, de voir le mal qu’elle provoque. Ce qui est compliqué, c’est de vivre dans le conflit interne (ou externe).
Certains, beaucoup (et moi aussi la plupart du temps) décident de refuser le conflit, de ne pas affronter l’horreur de la société. En évitant une remise en cause totale. En restant omnivore, par exemple. Ou même en restant flexitarien (pour ne pas considérer que manger un animal est un meurtre gratuit, un mal absolu, même si l’effort de diminuer le mal est déjà présent en soi). Ou en restant végétarien (pour ne pas comprendre que lait et oeufs participent aussi à la mort et à la souffrance), mais pas végétalien. Ou en se choisissant des raisons plus douces, moins lourdes, moins conflictuelles, qui ne posent pas immédiatement la viande en meurtre objectif, telle que la santé, l’écologie… On verra aussi des végétariens « spirituels » qui voient leur refus de tuer comme un choix mystique de pureté personnelle qu’ils n’ont donc pas le droit d’imposer aux autres… Un moyen de transformer la mort et la souffrance en concepts abstraits… Et aussi, bien sûr, on verra des véganes à peu près cohérents avec eux-mêmes, mais démotivés, déprimés, fatigués d’avance, se croyant (ou se laissant croire) condamnés à vivre dans un monde immuable, et qui donc accepteront de pratiquer leur véganisme en silence plutôt que de militer… A l’opposé, on verra aussi des gens totalement impliqués, totalement militants, prêt à dépenser toute leur énergie pour ne pas se laisser aller à la « non-assistance à personne en danger », un peu effrayants peut-être par leur investissement, leur besoin de chercher à faire changer les comportements, mais des gens aussi qui croient en l’absolu de leur combat, qui voient le mal comme un mal objectif, et ont, parfois peut-être (pas toujours heureusement), perdu cette capacité à entrer dans la tête de ceux qui sont à l’autre extrême de l’échelle, une capacité de « schizophrénie mesurée » qui pourrait pourtant leur être bien pratique pour comprendre qu’on peut « pratiquer le mal » sans « être le mal », et qu’il faut déjà être capable de voir et accepter le mal pour ce qu’il est, avant d’accepter de changer.
Bref, merci système inique et horrifique, merci carnisme, merci à toi pour nous condamner tous autant que nous sommes à la folie pure.
Publié dans Les personnes qui ne se mangent pas.
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